Regards sur Micberth - Mot-clé - LosfeldCe site est consacré à M.-G. Micberth (1945-2013) : sa vie, son œuvre, sa pensée.2024-03-18T20:50:19+01:00urn:md5:ac4b6ea9a30e8880b48c8c986eb72543DotclearL’aventure du Chauvache (1)urn:md5:df3190548198e8915d12ef32977032572014-10-18T19:11:00+01:002014-10-19T06:58:10+01:00AMIci et làA.D.G.André BayBourgoisDenoëlFayardGallimardGeorges LautnerJacques LanzmannLaffontLe Pieu chauvacheLe SagittaireLosfeldMicberthOtchakovskyPauvertPeuchmaurdPlonStock <p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-indent:14.2pt"><span style="font-family: TimesNewRomanPS; text-indent: 14.2pt; background-color: white;"><img src="http://micberth.org/dotcl/public/Pieu.jpg" alt="Pieu.jpg" style="float: left; margin: 0 1em 1em 0;" />La mort de <a href="http://www.lemonde.fr/livres/article/2014/09/27/mort-de-l-editeur-jean-jacques-pauvert_4495614_3260.html">Jean-Jacques
Pauvert</a>, le 27 septembre dernier, me renvoie vers le début des années 1970 et
les échanges de Micberth avec les éditeurs parisiens. Nous sommes en octobre
1972. La rédaction du « <a href="http://www.histoire-locale.fr/livre/DIVERS-L230.html">Pieu chauvache</a> » est terminée. Il faut
préciser que le roman a été écrit en quelques semaines, en réponse à une
provocation d’A.D.G. (« T’es pas cap’ ! ») que Micberth a aidé à
publier son premier roman à la « Série Noire » (Cf. « <a href="http://micberth.org/index.php?post/2014/05/01/La-divine-surprise2">La divine
surprise </a>» sur ce site). Pour le </span><em style="font-family: TimesNewRomanPS; text-indent: 14.2pt;">pitch </em><span style="font-family: TimesNewRomanPS; text-indent: 14.2pt; background-color: white;">:
polar baroque, le « Chauvache » raconte les aventures d’un sociologue
justicier aux prises avec des canailles politico-affairistes. Micberth décide
d’envoyer son « ours » aux éditeurs parisiens, pour voir...</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-indent:14.2pt"><span style="font-family:TimesNewRomanPS;background:white"><span style="text-indent: 14.2pt;">Pauvert fait répondre par
une circulaire </span><span style="text-indent: 14.2pt;">du service
littéraire (envoyée également aux 1000 auteurs des manuscrits qu'il reçoit chaque année)</span></span><span style="font-family: TimesNewRomanPS; font-size: 12pt; background-color: white;"> </span><span style="font-family: TimesNewRomanPS; text-indent: 14.2pt;">: « Votre
manuscrit ne nous intéresse pas assez pour que nous envisagions de le publier.
Il peut plaire à d’autres éditeurs. C’est ce que nous vous souhaitons, en vous
remerciant de nous l’avoir confié. Cordialement. » Fayard, qui lui, trouve
« beaucoup de qualités » à l’ouvrage, écrit qu’il ne peut entrer dans
le cadre des publications habituelles. Il n’entrera pas non dans les
collections des Presses de </span><st1:personname productid="la Cité" w:st="on" style="font-family: TimesNewRomanPS; text-indent: 14.2pt;">la Cité</st1:personname><span style="font-family: TimesNewRomanPS; text-indent: 14.2pt;">
(Signé : <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Otchakovsky-Laurens">Paul Otchakovsky-Laurens</a>) ni celles de Christian Bourgois, de
Plon, Le Sagittaire, Robert Laffont (Signé : <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Peuchmaurd">Jacques Peuchmaurd)</a>, etc.
Quant à Robert Gallimard, en raison d’un programme très chargé, il
s’excusera : « Il ne nous semble pas (...) que malgré les nombreux
mérites de votre ouvrage, ses qualités purement littéraires soient suffisantes
pour nous permettre d’envisager sa publication en surnombre. Croyez bien que
nous le regrettons... » En décembre, le manuscrit est envoyé à <a href="http://www.universalis.fr/encyclopedie/eric-losfeld/">Eric Losfeld</a>
avec un mot aimable de Micberth : </span><em style="font-family: TimesNewRomanPS; text-indent: 14.2pt;">«</em><em style="text-indent: 18.9333324432373px;"><span style="font-family: TimesNewRomanPS; background: white;"> </span></em><em style="text-indent: 14.2pt; font-family: TimesNewRomanPS;">...</em><em style="text-indent: 18.9333324432373px;"><span style="font-family: TimesNewRomanPS; background: white;"> </span></em><em style="text-indent: 14.2pt; font-family: TimesNewRomanPS;">j’ai pensé à vous qui ne risquez rien, et qui avez la réputation d’être un peu
moins con que vos confrères »</em><span style="text-indent: 14.2pt; font-family: TimesNewRomanPS;">. C’est dit !</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-indent:14.2pt"><em><span style="font-family:TimesNewRomanPS;
background:white">« Depuis près d’un siècle, l’édition en France connaît
des injustices littéraires qui dépassent de très loin la plus fertile des
imaginations. » </span></em><span style="font-family:TimesNewRomanPS;
background:white">Pour info, c’est ainsi que Micberth commence un court
pamphlet sur l’édition, rédigé et diffusé en 1970, deux ans avant l’aventure du
« Chauvache ». Il a étudié le microcosme germanopratin et dénoncé
l’esprit qui souffle sur ce petit monde. <em>« Il
fut un temps où l’éditeur se sentait le devoir de conseiller, d’améliorer,
voire d’aider le jeune auteur aux textes imparfaits. De nos jours, ce travail
est parfois confié aux lecteurs ou aux directeurs littéraires. Les lecteurs
sont souvent recrutés dans les universités, exercent jeunes et n’ont par
conséquent pas obligatoirement le sens littéraire. Les directeurs littéraires
sont, dans la plupart des cas, des auteurs moyens qui trouvent dans cette
activité la possibilité d’améliorer leur niveau de vie. On sait que la
constitution morale d’un auteur moyen est inconsciemment égocentrique et lui
dicte, au regard des confrères, une position de recul très largement subjective
Pour l’exemple, il suffit de fouiller les correspondances interprofessionnelles
de ces directeurs littéraires. On est surpris de constater avec quel mépris ils
considèrent les ouvrages qui leur sont proposés. » </em>Ainsi, rien ne
l’étonne donc dans ce premier tour de piste du « Pieu », qui fera via
<a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Lanzmann">Jacques Lanzmann</a> un second tour chez Denoël, en juillet 1973. La lettre
d’accompagnement rédigée par Micberth mérite qu’on s’y attarde :</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-indent:14.2pt"><em><span style="font-family:TimesNewRomanPS;
background:white">« Cher Monsieur,</span></em></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-indent:14.2pt"><em><span style="font-family:TimesNewRomanPS;
background:white">Je tiens d’abord à vous remercier d’avoir pris la peine de
lire mon ourson </span></em><span style="font-family:TimesNewRomanPS;background:
white">Le Pieu chauvache.<em> Mme M. m’a
précisé que vous étiez disposé à éditer ce roman à condition que je le rewrite
entièrement.</em></span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-indent:14.2pt"><em><span style="font-family:TimesNewRomanPS;
background:white">Hé hé !</span></em></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-indent:14.2pt"><em><span style="font-family:TimesNewRomanPS;
background:white">J’avoue ne plus très bien piger. Un éditeur me dit :
« Votre style est fantastique (sic). Enfin voilà l’écriture que nous
attendions. Malheureusement votre histoire est trop invraisemblable, et trop
pornographique. »</span></em></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-indent:14.2pt"><em><span style="font-family:TimesNewRomanPS;
background:white">Vous au contraire, prétendez que mon histoire est mignonne
comme tout, tout à fait bandante et que mon style est fastoche, un peu de la
merde en bâton.</span></em></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-indent:14.2pt"><em><span style="font-family:TimesNewRomanPS;
background:white">Faudrait vous entendre les éditeurs ou vous associer !</span></em></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-indent:14.2pt"><em><span style="font-family:TimesNewRomanPS;
background:white">Modestement, M’sieur Lanzmann, j’ai appris à écrire à des
dizaines de petits merdeux qui, depuis ont fait leurs preuves, en particulier
le brave A.D.G. (Alain Camille) qui publie son huitième bouquin chez Gallimard
et qui a vu « <st1:personname productid="La Nuit" w:st="on">La Nuit</st1:personname>
des grands chiens malades » porté à l’écran par <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Georges_Lautner">Georges Lautner</a> sous le
titre : « <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Quelques_messieurs_trop_tranquilles">Quelques Messieurs trop tranquilles</a> ».</span></em></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-indent:14.2pt"><em><span style="font-family:TimesNewRomanPS;
background:white">C’est à coup de lattes dans le cul que j’ai appris au
susnommé Camille à bien former ses virgules, à faire des </span></em><span style="font-family:TimesNewRomanPS;background:white">reu<em>, des </em>beu<em> et même des </em>seu<em>. Vous dire !</em></span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-indent:14.2pt"><em><span style="font-family:TimesNewRomanPS;
background:white">Mme M. a dû vous glisser dans le tuyau de l’oreille que
des universitaires commettaient des thèses sur mes généreuses créations.</span></em></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-indent:14.2pt"><em><span style="font-family:TimesNewRomanPS;
background:white">J’ajouterai que j’ai lancé dans les années 60, le fameux
style « mèque » qui fleurit dans toute la presse contestataire
d’aujourd’hui. (J’étais alors président d’une association qui regroupait
40 000 écrivains répartis dans 38 pays.)</span></em></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-indent:14.2pt"><em><span style="font-family:TimesNewRomanPS;
background:white">Vous allez me rétorquer que tout ça n’empêche pas d’écrire
comme un sabot. C’est votre avis, pas le mien.</span></em></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-indent:14.2pt"><em><span style="font-family:TimesNewRomanPS;
background:white">Et regardez votre propre exemple, M. Lanzmann. Vous avez
écrit des chansons pour <a href="http://tempsreel.nouvelobs.com/culture/20100116.OBS3826/jacques-dutronc-choque-la-famille-de-jacques-lanzmann.html">Dutronc</a> que n’aurait probablement pas revendiquées
Vaugelas. Et pourtant, et pourtant, derrière leur simplicité apparente, il y
avait le talent et la qualité. J’en veux pour preuve que le jour où vous avez cessé
d’écrire pour Dutronc, sa cote a baissé en flèche.</span></em></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-indent:14.2pt"><em><span style="font-family:TimesNewRomanPS;
background:white">J’ai mis vingt ans pour apprendre à mal écrire. Ça signifie
que je me suis dégagé peu à peu des fioritures imposées par les cons, pour
posséder un langage multiforme, un vocabulaire puisé dans toutes les créations
du langage parlé.</span></em></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-indent:14.2pt"><em><span style="font-family:TimesNewRomanPS;
background:white">Et vous voudriez que je renie tout cela ? Que j’écrive
comme tous ces impuissants du stylographe ? Que ma petite chanson à moi
soit blette ? Merde, non !</span></em></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-indent:14.2pt"><em><span style="font-family:TimesNewRomanPS;
background:white">Il y a moins d’un an, j’ai envoyé mon CHAUVACHE à quelques
éditeurs dont Denoël. Bien puni. Mme M., qui se tortillait la matrice de
voir mon ourson dormir au fond d’un tiroir, m’a demandé à qui elle pourrait
proposer mon bouquin. J’ai dit Lanzmann, parce que j’étais persuadé que vous
étiez le seul à avoir suffisamment de couilles au cul pour imposer ce genre de
style.</span></em></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-indent:14.2pt"><em><span style="font-family:TimesNewRomanPS;
background:white">Pas oublier qu’il faut être spécialement intelligent pour ne
pas confondre le génie et la facilité. (Merci. Je viens de me moucher avec ma
cravate.)</span></em></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-indent:14.2pt"><em><span style="font-family:TimesNewRomanPS;
background:white">Alors Mme M. a fait toc toc aux Editions Spéciales,
pensant vous y trouver. Mais léger comme l’oiseau sauvage, vous vous étiez posé
chez Denoël (il y a de gros oiseaux). Et la dame dont je parle ignorait que
j’avais déjà proposé mon manuscrit à cet éditeur.</span></em></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-indent:14.2pt"><em><span style="font-family:TimesNewRomanPS;
background:white">Alors Lanzmann, haut les coeurs ! Vous avez accepté,
paraît-il, mon bouquin. Vos complices à moitié, tournant un peu le pif. Un
p’tit effort, une grande respiration. Si vous prenez le risque, je serai pas
trop gourmand pour la galette...»</span></em></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-indent:14.2pt"><span style="font-family:TimesNewRomanPS;
background:white">(Extrait d’une lettre de M.-G. Micberth envoyée à Jacques
Lanzmann le 7 juillet 1973. Correspondance inédite.)</span><em style="text-indent: 14.2pt;"><span style="font-family:TimesNewRomanPS;
background:white"><o:p> </o:p></span></em></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-indent:14.2pt"><span style="font-family:TimesNewRomanPS;background:white">La réponse, me
direz-vous ?</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-indent:14.2pt"><span style="font-family:TimesNewRomanPS;background:white">Elle arriva un mois et
demi plus tard, signée Albert Blanchard, alors directeur gérant chez
Denoël : « Nous regrettons d’avoir à vous dire que, malgré un second
examen, nous ne pouvons que vous confirmer notre première décision : votre
manuscrit a des qualités, mais il a aussi beaucoup de défauts et, surtout, ne
correspond nullement à l’orientation actuelle de nos collections... »</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-indent:14.2pt"><span style="font-family:TimesNewRomanPS;background:white">Ah ! Les
collections !</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-indent:14.2pt"><span style="font-family:TimesNewRomanPS;background:white">L’histoire du
« Chauvache » ne s’arrête pas là. Il fut accepté par <a href="http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2013/01/22/andre-bay-editeur-mythique_1820570_3382.html">André Bay</a>, chez
Stock quelques mois plus tard. Nous en reparlerons…</span></p>
<p class="MsoNormal" align="right" style="text-align:right;text-indent:14.2pt"><em><span style="font-family:TimesNewRomanPS;
background:white">(A suivre)</span></em></p>