Le sujet est récurrent et préoccupe nos dirigeants depuis de longues années. Pour preuve, ce texte de Micberth-Asudam publié le 14 juillet 1973, soit (si le compte est bon) il y a tout juste 40 ans ! Et toujours rien de nouveau sous le soleil. Le style mèque de cet article intitulé « Kilomètre », est du pur Asudam, celui des années 1970 qui fleurissait dans le journal pamphlétaire Actual-Hebdo (Cf. rubriques « Biographie sommaire » et « Le pamphlétaire ».)
« Paraît, c’est le porte-coton du gouvernement qui le dit, que la limitation de vitesse imposée par nos princes aurait effectivement réduit l’hécatombe du premier week-end de juillet. Hi, hi, des cons se laisseront prendre à ces déclarations mensongères, toi, toi et toi. Têtes de petits piafs, pignoufs incongrus.
« Alors toi aussi, gaucho de mes deux, tu penses que la vitesse est un fléau et qu’il faut châtrer tous ces fous du volant qui pulvérisent dans l’Olympe les familles françaises méritantes obsédées par les joies bucoliques ? Tu penses ça, dis ? Eh ben mon grand et sauf ton respect, permets-moi de t’apprendre que tu cogites avec les arpions, ouais môssieur, avec les pieds.
« Facile à comprendre, bon dieu, la vitesse pour nous autres est une seconde nature. Allez hop, chevauchons le luma, aïe donc la bête, crébonsouère, avance bijou, hue ! Bien calé sur la coquille du gastéropode, tu fais corps avec l’animal, tu lui arraches les flancs sous les molettes de tes éperons d’argent, hue, avance, avance, et te voilà tout grisé de vitesse ; la poussière du chemin collée sur ton front noyé de rosée, hue ma garce, ma fille, mais hue donc, slack, ton fouet siffle et claque, slack et ton luma fait ce qu’il peut, secrétant tout le mucus visqueux de son pied musculaire ventral pour te faire glisser encore plus vite sur ton rêve. Tu abuses, tu en demandes trop, alors il se cabre, holà, tout doux, paix bijou, paix hooo, et ton luma s’apaise, la gueule tordue par le harnais maintenu par ta poigne de fer poilue. La gonzesse qui te suit pisse d’admiration dans sa nuisette et te roule des yeux gourmands. T’es comblé glandu, hein ? Oh pas pour longtemps car tu remplaceras bien vite l’escargot par la bique, la bique par le cheval et le canasson par un bolide de sport.
« T’es comme ça, mon grand, qu’est-ce que tu veux y faire ?
« La société t’a vendu des bagnoles légères comme le cerveau de M. Pompidou. Des tires incomplètes, sans réelle sécurité. Pas de routes appropriées. La société elle est comme ça, pas compliquée pour deux ronds, pas bêcheuse. Elle se fout de ta vie ou de ta mort, l’important est que tu bouges et en bougeant que tu déplaces du pognon. A ta mort, ta famille bougera pour toi et fera circuler le pèze pour ton jouli pitit enterrement, pour ta tombe.
« Tu commences à piger maintenant. Non ?
« Ah, j’oublie de te dire que depuis quelques
années déjà nous sommes en République.
« Tu te laisses faire car tu es
essentiellement lâche. Une minorité se fait chaque jour péter la gueule pour
toi et ça te suffit. (Je parle des vraies minorités agissantes et non pas des
mouvements publicitaires progouvernementaux comme
« Et te voilà arborant le treillis et le cigare cubain, tout original et jouasse de ta découverte. Petit con-suicide du système. Chiotteries et tristesse.
« Pendant ce temps-là, tu prêtes le flanc à
l’état patron qui embauche des
flics à pleines casernes, tu imposes Royer le fol et Druon
« Je sais, je rabâche, t’as raison. Arrêtons-nous là, j’en reviens à la limitation de vitesse, le pied sidéral.
« En te limitant à
« Chouette, non ? Les infectes salauds.
« Et t’acceptes ce joug sous prétexte que tu vomis la bagnole et le modernisme. Mon grand, je ne te le cacherai pas plus longtemps, tu es un beau con. »
Micberth in Actual-Hebdo n° 29, 14 juillet 1973)