Diafoirus4.jpgComme chaque année, la presse publie la liste des meilleurs hôpitaux de France, histoire pour le malade de bien savoir où il met les pieds. M.-G. Micberth a souvent dit tout le mal qu’il pensait du monde médical, de la recherche, dénonçant dès les années 1970 « le gauchisme impuissant et destructeur » du CNRS, les laboratoires « qui n’ont de respect que pour leurs intérêts », les dangers de l’antibiothérapie ou la « maladie écrasée dans l’oeuf qui resurgit sous une autre forme, dans un autre endroit, pour vous régler votre compte définitivement », l’incompétence des médecins, les opérations inutiles, etc.

Quant à l’hôpital... « Toutes les saloperies virales et bactériennes se renforcent, deviennent résistantes aux antibiotiques. Ainsi à chaque fois où vous posez les pieds dans un hôpital pour vous faire réparer d’une affection bénigne, vous êtes en danger de mort ». (Voir Actual-Hebdo du 12 mai 1973)

Qui a dit infection nosocomiale (définie la première fois en octobre 1988 dans une circulaire du ministère de la Santé) ? 

 Le texte qui suit est un extrait du billet écrit par Micberth le 18 janvier 1990. Il avait quitté sa Picardie d’adoption dès potron-jaquet, pour aller à Paris déguster une omelette radioactive à l’hôpital Saint-Louis (classé aujourd’hui 42e au tableau d’honneur des hôpitaux de notre beau pays). Délicieux !

 

L’hôpital Saint-Louis

 « On est venu me servir un plateau de nourriture radioactive dans la salle d’attente. J’ai demandé à Tine de partir faire quelques courses avec le chauffeur. Je ne voulais pas qu’elle me vît bouffer leur merde dans la salle des pas perdus, entre trois Maghrébins en djellaba et une Bantou entuyautée jusqu’au duodénum.

« Ce n’était pas si mauvais que ça le petit steack haché avec l’omelette et un petit pain, du beurre, de l’eau et pour dessert un grand bol de lait isotopique. Le plus chiant étant d’avaler le tout au beau milieu de cette cour des miracles et à jeun. Mais c’était un test ; étais-je si vaniteux que ça ? Ben, la preuve que non, moi aussi je sais faire peuple quand je veux.

« Je n’étais que sourire pour le petit Algérien qui, à coups de lattes, maltraitait mon pantalon ; que tendresse du regard pour la grosse doudou qui essuyait la sanie collante de son pansement sur le revers de son boubou. N’en revenant pas moi-même, je me suis levé pour aller aux chiottes et me bien regarder dans la glace. Bon, un Celte reste un Celte, il n’y a pas à tortiller, mais j’avais l’air franchement moins raciste que Le Pen voire même qu’Harlem Désir.

« Je sors très peu dans la France de François Mitterrand. Aujourd’hui, quelle étrange chose qu’une salle d’attente d’hôpital... Quelle tour de Babel !

« Je me suis amusé à compter les cancéreux au teint jaune, les dames en chimio qui tirent sur leur perruque. C’est un jeu comme un autre, un peu cruel et qui édifie sur la miséricorde de Dieu. Un asiatique hépatique m’a involontairement fait comprendre qu’on pouvait être encore plus jaune que jaune, comme dans le sketch de Coluche.

« Une infirmière à la bouche qui n’avait pas sucé que des allumettes a collé sous mes magnifiques pectoraux des petits tampons radioactifs et hop, en avant pour la passionnante épopée du tractus digestif de votre serviteur. J’avais sous les yeux mon estomac en scintigraphie verdâtre et je conseille vivement aux jeunes filles qui peuvent s’intéresser à la question de s’arrêter sur ma queue au naturel plutôt que sur les images kinescopiques de mon bol alimentaire.

« Enfin, c’est un avis tout personnel.

« Le petit manège a duré de 8 h 45 à 12 h 30. Mieux que le Chaix. On saura tout sur le parcours de la brandade de morue de mon oesophage jusqu’à mon ampoule rectale et même s’il reste assez de protéines dans mes excréments pour les envoyer aux enfants du tiers monde.

« J’ai retrouvé le confort des sièges en cuir de ma voiture. Mon chauffeur avait poussé un petit roupillon. Tine était là pour me verser le thé chaud préparé à l’aube, amoureusement, par Virginie ; le croissant venait de chez un grand faiseur parisien dont j’ai oublié le nom et qui voudra bien présentement me pardonner.

« J’ai souri en pensant que j’allais emmerder tout Mégalo avec mes banalités et qu’au fond pour un presque mourant j’avais vachement de la chance d’être en aussi bonne santé. J’adore faire rire à mes dépens.

« J’étais tout jouasse de retrouver le parc délaissé, les vapeurs picardes et la moiteur de ma chambre. » (Micberth. Extrait du billet « L’hôpital Saint-Louis » in Mégalo 18 janvier 1990)

 

Pour info, les meilleurs billets de Mégalo ont été publiés dans « Micberth et les gros niqueurs ». Livre disponible chez Lorisse et ailleurs.