Pardonnez-moi, je suis en train de relire « Candide ou l’optimifme » (1778) : « Tout étant fait pour une fin, tout eft néceffairement pour la meilleure fin. Remarquez bien que les nez ont été faits pour porter des lunettes, auffi avons-nous des lunettes. Les jambes font vifiblement inftituées pour être chauffées, & nous avons des chauffes... » Et j’ai un peu de mal à abandonner le langage de M. de Voltaire, d’où le titre de cet article. Je voulais simplement dire bonjour, bonne journée. Capito ? En ces temps incertains, on ne sait plus trop à quel vocabulaire se vouer. Ainsi, quand je cite Micberth à propos de JMLP (comme on l’appelle) : « Je n’aime pas la droite populaire. Elle me fait peur, tout comme le parti communiste. Mais Jean-Marie est un copain avec qui j’ai torturé 200 bougnoules à Alger en 1957 », C’EST DE l’HUMOUR. Vous entendez ? DE L’HUMOUR ! En 1957, Micberth avait douze ans ! Quant à la citation, elle fait partie de l’un des 100 aphorismes « commandés » et publiés dans « L’Echo des savanes » en avril 1985. Vous imaginez ? Il y a pratiquement quarante ans !

A propos de citation, j’en ai une de Sartre qui tombe à pic dans l’actualité. Elle illustre la définition du mot « Fournée » (au sens figuré), donnée par Le Petit Robert : Ensemble de personnes nommées à la fois aux mêmes fonctions ou dignités. Exemple : « Lorsqu’un nouveau parti s’emparait du pouvoir, il proscrivait la moitié du Sénat et créait d’urgence une nouvelle fournée de sénateurs pour boucher les trous » (Sartre, « Situations  II », 1948). Désolée, ce n’est pas moi qui rédige. Et Jean-Marie Le Pen serait-il le seul à connaître le sens figuré de ce mot plus que banal ? Faut croire. L’a-t-il employé par provoc ? Avec malice ? Sans doute. Micberth, qui n’aimait pas la droite nationale et populaire disait de lui : « C’est un acteur né, un Marchais haut de gamme. Nous avons besoin de ces tribuns mascottes, un peu dérisoires dans leur acharnement idéologique. Cela nous change des sucreries des énarques qui d’ordinaire confiturent nos tympans. Je suis plus tiède quand je lis les discours de Le Pen, quand je l’entends chantonner du Montand ou hardrocker avec mademoiselle sa fille. Je suis froid quand il remue à la tribune les vieux démons de la France franchouillarde : par exemple, le bellicisme du passé qui aurait plus donné au patriotisme naturel qu’aux Schneider du Creusot. Je suis glacé quand je feuillette les curriculum vitae de sa garde blanche. »

Nous sommes alors en octobre 1984. JMLP est député européen depuis quelques mois. Son parti peut enfin s’exprimer. Il est malheureusement entouré de petits chefs ambitieux et Marine n’a que 16 ans. Trois ans plus tard, elle travaillera auprès de Maître Georges-Paul Wagner et j’aurai le plaisir de la rencontrer (C’est pour l’anecdote). Micberth poursuit : « La soudaine et divine notoriété dont jouit Le Pen l’amollira c’est vrai, mais elle radicalisera certains membres de son entourage. Son destin se réalise mais efface du coup le destin de ses suivants. On attrape les mouches avec du miel, dit-on, tout comme on émasculera le leader du Front national avec les feux de l’actualité. Les sunlights n’éclairent que le champion de La Trinité-sur-Mer. Les ambitieux de son parti ne se résigneront pas très longtemps à jouer les faire-valoir dans les zones d’ombre portée du Maître.

« Je les connais. Je sais leurs appétits de fauves. Leur indiscipline coutumière. Il suffit de bien se pénétrer des extravagantes articulations de l’extrême droite française et cela depuis trente ans, pour en être sûr.

« Il fallait donner la parole à Le Pen. Il l’a. Ce sera un des seuls mérites de la gauche. La démocratie a toujours eu peur d’être démocrate. En muselant les singularités, on crée les extrêmes ; en bâillonnant les extrêmes, on génère l’activisme aveugle et meurtrier. »

On connaît la suite de l’histoire, les défections, les trahisons, la scission, comme Micberth l’avait prédit.

2014 : Remake du film, avec quelques variantes.

Pour ce qui est de la droite populaire, Micberth en dresse un portrait fleuri quelque temps plus tard, dans « La Lettre » (avril 1985), lorsqu’il est cité par l’épatant Alain Rollat (un pote à Edwy Plenel), du journal « Le Monde », dans son livre sur les hommes de l’extrême droite. Entre parenthèses, c’est fou ce qu’on a pu écrire sur l’extrême droite dans les années 1980 ! Pour en revenir au Rollat, il cite Micberth dans son chapitre V intitulé «  Les réfractaires », un moindre mal, mais néanmoins Micberth n’apprécie pas du tout sa présence dans le bouquin. Il s’en explique dans « La Lettre » qui est alors sa tribune :

« Je vomis l’extrême droite parce qu’elle est normalement composée de la droite populaire et du fascisme. Je suis un féodal, un élitiste, un aristocrate ou cratiste comme on veut, un individualiste voire un anarcho-droitiste mais certainement pas un extrémiste de droite.

« La droite populaire a du ventre, pue de la gueule, habite dans des pavillons encaustiqués et enclos, à patins pour les parquets et à chiens méchants pour la trouille ; diffuse des lieux communs, moralise, cancane, voue un culte sacré au bon sens, approuve l’armée et l’applaudit ; suce le gendarme, lapide la créature, attache les mains de ses enfants et encule la bonne avant de la congédier sans indemnités après avoir porté plainte contre elle pour vol d’argenterie.

« La droite populaire a des varices, elle aime l’ordre, le mauvais goût ; elle regarde derrière ses rideaux et compte attentivement la monnaie que lui rendent les commerçants ; ses livrets de Caisse d’épargne sont pleins, quand elle parle de ses produits d’entretien, elle les « pronom-possessive » ; elle entrebâille vingt ans après les autres sa porte à la lubricité. Et elle en use puis en abuse.

Mais ça, c’était avant...


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Sources : « La Lettre » (Recueil des textes parus d’octobre 1984 à avril 1985).