MGM_chiot_2.jpgA la question : « Qu’est-ce que la vie ? », Micberth répondait à l’ami qui l’interrogeait, que c’était, entre autres, à quatre heures du matin, apprendre la philosophie de Nietzsche à ses chiens. Il fallait, certes, une bonne dose d’optimisme et un courage à toute épreuve pour se lancer dans pareille aventure, car les bougres étaient un peu fainéants et réfractaires à toute forme de culture. Les « élèves » en question étaient une bonne demi-douzaine de bas-rouges, à la fin des années 90, issus d’une lignée adoptée en 1979 par Micberth qui, depuis, accueillait la naissance de ces petites boules de poils avec un réel bonheur. Le premier bas-rouge qu’il fit entrer dans sa famille s’appelait Tual, superbe chien auquel il donna le nom de l’un de ses ancêtres bretons. Il y en eut beaucoup d’autres : Harold, Tempora, Satana, Bluette, Belle, Rohan, Patouf-Patouf chien... Autant de compagnons, autant d’histoires.

Parmi les beaucerons élevés par Micberth, Petite (« Poupouille » pour les intimes) fut certainement celle qui tint la plus grande place et laissa le plus grand vide quand elle disparut.

« Petite de la Sylve enchantée (6/11/1999–26/03/2011), fille de Nidji et Lutèce de la Sylve enchantée, est morte dans la tendresse des siens, ce dimanche 26 mars 2011 au château.

« Petite, notre gentille compagne pendant plus de dix ans ; magique, elle le fut cette magnifique beauceronne, frappée par un sortilège étrange, fille des bois et des forêts, fée certaine et mystique.

« Pourquoi, pourquoi mes yeux se voilent-ils de larmes

« Devant ce spectacle enchanté ?

« Elle emporte pour l’éternité, un gros morceau de notre coeur. Merci Pouille ! »

 Les rapports de M.-G. Micberth avec les animaux, de toutes sortes, furent toujours privilégiés et d’une grande tendresse réciproque. Il écrira : « Je n’ai jamais été méchant avec un enfant, un animal, une femme et un homme droits. Le reste... » (Dans l’ordre. Sic). Adolescent, il avait apprivoisé une souris noire appelée Homère, qui le consola de bien des chagrins dans un univers familial hostile. Dès lors qu’il quitta la ville pour la campagne, il s’entoura de chats, chiens, gallinacés et autres caprins, ovins, créant même une véritable ferme pour le bonheur de ses enfants. Ainsi, en 1969, pouvait-on rencontrer chez Micberth, en toute liberté, Ducatel (le mouton bêlant) ou Krivine (la chèvre mangeuse de chèques), et un peu plus tard Giscard (le bouc à l’hygiène douteuse) ou Barbara (aussi blanche biquette que la chanteuse était noire)... Il eut de nombreuses conversations avec des minouches bavardes comme la Moune ou, plus récemment Perle dite Chouchou : « Quand j’écris à un con qu’il est con, Chou monte sur mon épaule, petite léchouille dans l’oreille et me dit : « C’est vraiment un con (ou une conne) ». Chou sait. » (FB, 3 mai 2011). Quant aux corbeaux, la nuit tombant, il leur imposait silence à coups de sifflets efficaces destinés à rétablir l’ordre pour le retour au nid. L’autorité naturelle... Au début des années 2000, il s’entoura de nombreux oiseaux (entre 50 et 70) dits d’ornement ; paons et poules de races diverses : Nègres-soie (aujourd’hui Poules-Soie...), poules brahma, orpington, bantam de Pékin, padoue. Pour le plaisir des yeux et des oeufs !

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 C’est en 2005 que Micberth eut la grande joie de connaître la gent asinienne avec Patchou, (un cadeau de Fête des pères, quelle drôle d'idée !). Oui mais, il fallut trouver une compagne à ce petit âne. C’est ainsi que, de fil en aiguille, furent adoptées quatre « filles » : Prunette, Uronne, Louise, Valentine. Là encore, Micberth tenta bien d’apporter un peu de culture à ce petit monde, comme il l’explique dans un texte publié sur Facebook le 25 octobre 2010.

Tacite

 « Ce matin, à l’heure où les gueux dorment, dehors, il faisait un froid à se geler les glaouis. À la lisière de la pâture où paissent mes ânes, un vieux mobile home dans lequel j’ai fait déposer des cartons de livres, vestiges d’un ancien déménagement. J’ouvre un premier carton, je découvre, j’extirpe et je lis. Mon passé me saute à la gueule, accompagné d’une méchante odeur de moisi : Tacite !

« Mince, Tacite ! Depuis combien de décennies, je n’ai pas lu Tacite, « Germania ». Je jubile comme un mioche devant sa tartine, je cache la traduction française et essaie de lire tout haut, tout fort, en latin classique. Le temps et un trauma crânien à séquelles me gâtent un peu le plaisir, je chante presque ; je chante par le nez, moi qui déteste le latin d’église, me voilà dans l’action de grâce, je pète Milosz, je psalmodie Baudelaire :

« Le cantique muet que chante le plaisir

« Et cette gratitude infinie et sublime.

« Je tourne la tête et par la fenêtre, je vois Patchou, pourtant châtré depuis un lustre, membru comme un curé en foire, en train d’enfiler ma petite Prunette qui n’a pas l’air de s’en plaindre.

« Je vous prends à témoin ; comment voulez-vous, même à mon âge, qu’on s’élève quand un tout petit incident de la vie vous fait tomber minablement dans la banalité profane ? » 

Peine perdue ! Les équidés n’entendirent rien à Tacite, les chevaux non plus, d’ailleurs, présents également.

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Les deux textes ci-dessous datent du 16 et du 18 décembre 2010. Ils furent publiés sur Facebook, pour saluer Quiproquo, vieux compagnon retrouvé mort dans la pâture.

Quiproquo est mort 

« Ce matin 16 décembre. Potron-minet. Je conduis mon « Ranger » dans la nuit. Virginie est à côté de moi. Nous venons de régaler de carottes nos ânes dans les écuries chaudes encore de leurs exhalaisons nocturnes.

« Nous roulons dans l’avenue qui coupe la propriété en deux, vers les pâtures où paissent nos chevaux.

« Il fait froid, très froid, le « Ranger », made in USA, n’a ni toit, ni portes, ni fenêtres ; la flotte neigeuse entre partout.

« Nous stoppons devant le courtil pour déposer dans les mangeoires l’orge aplatie, le maïs, liés à huile de maïs et l’eau chaude, mixture qui constitue le repas du matin. Virginie ouvre la barrière. Des ombres dans la nuit.

« — Pourriez-vous éclairer ? Un cheval est à terre...

« Je manoeuvre l’engin pour diriger les projecteurs frontaux vers la forme allongée. Virginie hurle :

« — C’est Quiproquo, il est mort !

« Mon vieux copain Quiproquo était un cheval anglo-arabe né le 15 avril 1982 de Jouan de Frely, son père et de La Fiesta, sa mère. Il aurait eu 29 ans en avril prochain.

« Comme son âme de saint choual est partie avec la totalité de ce qui me restait de coeur, ce cher voyou vient de me condamner à finir ma vie encore plus méchant que je ne le fusse jamais.

Morbide et rigolo

« En me promenant dans la neige sur les traces de mon Quiproquo, emporté hier dans la tempête par l’équarrisseur, je cherchais le texte d’un « in memoriam », digne de lui, à faire graver dans le marbre et à placer sur le mur des écuries.

« Et je cherchais par dérive ma propre épitaphe. Malgré mon chagrin, je me suis surpris à rire comme un imbécile. J’avais trouvé en plagiant celle de Richelieu :

« Ci-gît le fameux Micberth

« Qui fit plus de mal que de bien :

« Le bien qu’il fit, il le fit mal,

« Le mal qu’il fit, il le fit bien.

« Jamais pu imaginer que les pensées autour de la mort de mon choual m’eussent fait rire... »


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Et voici Victoire (Vivi), la préférée, née en 2009, élevée « à la maison ». La photo date du 2 mai 2011 (Précision utile de l'intéressé : « Désolé, je descends du tracteur, couvert de poussière et coiffé avec un clou. ») Micberth écrit : « Encore pouliche et immense. Si elle continue comme ça, elle nous fera 1m 90 au garrot ( !). Même grands, on se sent un peu nains à côté d’elle. Elle n’est que douceur, amour et muscles... »