Editeur, écrivain, journaliste, François Maspero (décédé le 11 avril 2015) a « marqué la vie intellectuelle à gauche », selon l’exccelllent journal Libération. Certes. Alors, me direz-vous, quel rapport avec Micberth, qui, lui, se plaçait résolument à droite ? Rappelez-vous : « La droite est aristocratique, bougres d’ânes, fermée, hostile, sauvage, sûre d’elle-même, ironique, égoïste ou généreuse selon son intérêt, savante, aventurière, héroïque. Elle ne se reconnaît pas dans les bourgeois englués dans la peur, dans les petits vieux frileux, les travailleurs chrétiens à l’esprit civique, les militaires infantiles aux oripeaux chamarrés, oncques, mais dans les fauves aux dents de granit, ceux qui bâfrent avec les dieux païens, qui jonglent avec vie et mort pour l’honneur ou le plaisir, ceux qui ne composent pas, qui ne renient rien, qui incarnent chaque jour la grandeur, la force, le plaisir. » (Micberth in Le Nouveau Pal, n° 14, septembre-octobre 1982)

C’est que Maspero, qui créa une maison d’édition emblématique dans les années 70, fut souvent victime d’un acharnement policier pour les idées qu’il défendait : amendes, prison, suppression de ses droits civiques. Il fit l’objet de 17 condamnations, pas mal, non ? Certaines de ses publications furent interdites. « J’ai des sentiments extrêmement simples de révolte et d’indignation », déclarait-il. « Je crois donc à la lutte, sinon il n’y a plus d’Histoire et peut-être plus d’humanité ».

Le 7 septembre 1972, Micberth lui envoie son manuscrit du Pieu chauvache, en précisant dans la lettre d’accompagnement : « Je vous laisse le soin d’en fixer le genre, j’ai dû moi-même y renoncer. »

Le 27 octobre, François Maspero répond :

« Monsieur,

« Je vous prie de m’excuser d’avoir conservé si longtemps Le Pieu chauvache, que j’aurais pu vous retourner presque aussitôt. Je publie très peu de textes dits littéraires et ne suis pas habilité à juger le vôtre. Je sais seulement qu’il ne correspond pas du tout à ce que je m’efforce de publier.

« Bien cordialement. »

On peut comprendre. Maspero fut l’éditeur de Louis Althusser, Pierre-Vidal Naquet, Tahar Ben Jelloun ou encore Paul Nizan...

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Micberth lui répondra le 6 novembre 1972 :

« Cher Monsieur,

« J’ai bien reçu votre lettre du 27 octobre et je vous en remercie.

« Je vous avais fait parvenir Le Pieu chauvache, car vos confrères éditeurs, bien que se félicitant de la qualité littéraire de ce bouquin, n’avaient pas le courage d’affronter dame Justice pour le faire paraître.

« Je vous connaissais un peu moins lâche que les autres ; voilà pourquoi je me suis permis de vous importuner.

« Votre refus ne met pas en cause l’estime que je vous porte, soyez-en persuadé.

« Cordialement vôtre. »

Conclusion : il y avait dans les années 70 des éditeurs courtois bien que de gôche.

(Pour info : A propos du Pieu, lire ou relire les 2 articles L'aventure du Pieu chauvache 1 et 2 ici.)