Dany1068.jpgSur l’air de « Figaro », il pourrait chanter : « Dany ci, Dany là. Je suis fameux autant qu’un roi... » C’est que Dany le Rouge est médiatiquement présent depuis 1968 ! Même descendu en flammes, même conspué, « (Il) incarne en France, à la fois le bouleversement de la société soixante-huitarde et la transformation de l’Europe moderne » (dixit Le Monde Festival). Rien que ça ! Et pourtant... Micberth n’était pas tout à fait de cet avis. Pour preuve, l’article suivant, paru en 1998 :

Dany le Rouge 

« Daniel Cohn-Bendit est partout : télé, radios, magazine et bientôt, pourquoi pas, dans mon vide-ordures. Or, je puis affirmer, sans que l’on pût m’apporter l’embryon d’un argument contraire, que le trublion franco-allemand n’aura été d’aucune importance dans les événements de Mai 68. Qu’on me parle des décisionnaires, Siegel, Gorini, peut-être même Paoli, qui firent d’une petite émeute une vraie révolution, notamment en offrant l’antenne d’Europe 1 aux insurgés qui s’en servirent pour mettre en scène un psychodrame de pacotille qui, de rebonds en rebonds, prit une ampleur inouïe. Certains historiens mettent en avant Radio Luxembourg (RTL), ce qui est une sottise parmi tant d’autres. Sans être négligeable, le rôle de la station de la rue Bayard fut très secondaire. Nos étudiants « proprolos » n’écoutaient pas ce grand poste populaire, c’eût été déchoir, pensez, l’Homme des voeux Bartissol et la lecture savante de Marcuse ! La Famille Duraton et Jean-Paul Sartre !

« Fin 1966, début 1967, presque tous les jeunes intellectuels de France savaient que nous n’échapperions pas à ce que j’appelais alors «  la révolution des consciences ». C’était écrit.

« En janvier 1968, dans une longue lettre, je m’en étais ouvert à Georges Pompidou. Il avait dû lire mes avertissements d’un gros derrière distrait. J’avais pourtant, au début de cette année-là, annulé une conférence à Tours, dans laquelle je me proposais d’expliquer que dans un délai d’un à trois ans, il y aurait dans notre pays un formidable bazar. Cela explique pourquoi nous étions un certain nombre à nous être groupés sous une bannière intitulée « Révolution 70 ». L’Histoire véritable est celle dont on retrouve les traces avant les faits, qui s’explique par les faits eux-mêmes et non, trente ans plus tard, par les élucubrations des « écrivains » appointés.

« Il n’est pas inexact de dire que la bougeotte révolutionnaire, sous forme de danse de Saint-Guy, agitait les éléments les plus durs du Parti socialiste unifié (PSU) et les prochinois, qu’on appellera quelques années plus tard les gauchistes. Mais au milieu des années 60, ces individus étaient extrêmement minoritaires et ne pouvaient ni de près ni de loin déclencher une insurrection nationale. Par contre, depuis 1965, il y avait une réelle rébellion qui se fomentait. Et comme quelques observateurs minoritaires l’ont parfois décrite, elle trouvait son ferment dans toutes, je dis bien toutes, les couches idéologiques de la jeune société française.

« Si on avait identifié les acteurs qui dressèrent les premières barricades, on aurait été fort surpris : une grande majorité d’apolitiques et quelques minoritaires d’extrême gauche et d’extrême droite, beaucoup de jeunes gaullistes aussi...

« Quand Cohn-Bendit et ses séides de l’ex-Odéon occupé « m’envoyèrent » deux missi dominici pour m’investir comme chef de la rébellion du Centre-Ouest*, nous ne pûmes réprimer, mes collaborateurs et moi-même, un immense éclat de rire. Le trublion de l’IDHEC, camarade révolutionnaire, était flanqué d’une pétasse théâtreuse dont les seins et l’âme n’avaient plus d’âge. Ils passèrent d’ailleurs la plus grande partie de leur temps à forniquer dans ma cave. De temps à autre, ils montaient aux étages pour se restaurer, jamais pour se laver. Coiffé d’une gapette militaire et cubaine, le jeune garçon, avec une logorrhée pompée dans « La Guerre de guérilla » du Che, tentait de nous convaincre de placer des sacs de sable derrière nos fenêtres et nos portes, pendant que la théâtreuse soupesait, d’un oeil expert, la virilité de mes jeunes amis en proposant d’enseigner la libération des moeurs avec travaux pratiques à la clé. Ces deux zozos réussirent sans trop de mal à nous dégoûter à tout jamais de leur idéologie et à raffermir notre fidélité à l’ordre gaullien.

« En bref, on peut affirmer sans risquer la moindre erreur que la révolte des consciences de Mai 68 ne doit strictement rien à ce pauvre Cohn-Bendit dont le principal mérite aura été sa tignasse roussâtre (lui, doit tout à la presse), encore moins au pleutre et transparent Sauvageot (qui doit tout à sa petite frimousse de tombeur de communiantes), et nib au bibendum Geismar (ce dernier devant tout à son exceptionnelle rouerie). Il faudra bien un bon siècle de recul pour que des universitaires sérieux se penchent sur la biographie des vrais acteurs, sur la réalité des faits vrais, afin de nous livrer une histoire de Mai 68 sérieuse et authentique. Espérons. » (Micberth in Histoire locale, rubrique « Juste en passant », printemps 1998)

 

*NDRL. Micberth écrit dans « Pardon de ne pas être mort le 15 août 1974 » : «  Bien que de droite, je fus curieusement investi par le Mouvement du 22 mars et le comité révolutionnaire de l’ex-Odéon occupé, pour diriger l’action révolutionnaire dans le centre et l’ouest de notre pays. Inutile de préciser que cette investiture, je ne l’acceptai qu’une semaine, le temps de prouver à mes détracteurs qui me qualifiaient de fasciste, la fantaisie de leurs affirmations. »