Le début des années 1980 fut marqué par de nombreux attentats à Paris et dans d’autres villes d’Europe, on le sait. Après celui de la rue Copernic, contre la synagogue, Micberth exprima « son indignation devant cette escalade irréversible de la violence » et réaffirma « sa condamnation de toute action terroriste quels qu’en soient les auteurs et quelle que soit la folie idéologique qui puisse les inspirer ». (Cf. « Le Monde » des 5-6 octobre 1980, « Les réactions dans les milieux d’extrême droite ».)   

Ce qui n’empêcha pas Alain Rollat, deux jours plus tard, dans le même journal, d’écrire avec aplomb : « ... Sous l’influence de fortes personnalités, certains « clans » changent parfois, brusquement, de stratégie. C’est ainsi, par exemple, que la Nouvelle Droite française (NDF), créée en 1973 par M. Michel-Georges Micberth, s’est brusquement convertie à la non-violence après avoir préconisé la guerre « par tous les moyens, légaux ou illégaux » contre les institutions républicaines. » Le folliculaire (lui ou un autre) en rajoutera une petite couche le lendemain : « La NDF s’était dotée, dès sa fondation, d’un manifeste prônant « la chute de l’État républicain » par tous les moyens ; elle semble s’être brusquement convertie à la non-violence. »

Certes, Micberth enfant et adolescent a bien connu la violence et c’est à coups de poing qu’il s’imposa, tout gamin, dans le canal de la Loire au Cher (aujourd’hui disparu) auprès de ses compagnons de jeux. « Il paraît difficile de situer avec précision l’origine d’une réputation », écrit François Richard, « mais ce que l’on peut dire, en toute certitude, c’est qu’à l’enfant Micberth qui a été très tôt un personnage, en raison de sa précocité et de son pouvoir de séduction, a succédé l’adolescent ombrageux, révolté, surviveur, mûr pour toutes les aventures et pour tous les risques, infini transgresseur, qui, lui, véritablement fait peur. » Provocateur et déterminé, Micberth va au bout de sa pensée et de ses actes et sera longtemps considéré comme sulfureux et dangereux. D’où son arrestation rocambolesque chez lui, le 15 août 1974, alors qu’il jardine en famille. Il raconte : « Soudain, un groupe d’hommes sautèrent par-dessus la chaîne qui interdisait l’entrée du château, et se précipitèrent vers nous. Je levai les yeux et vis les gendarmes qui braquaient des mitraillettes dans ma direction. Le château était cerné. L’inspecteur divisionnaire Pasquet déclina son nom et sa qualité. Il était suivi d’un collègue de la brigade des faux et d’un jeune inspecteur de la criminelle. Plus loin, se tenait un commissaire de Clermont-Ferrand, assisté de deux inspecteurs, puis, en retrait, le commandant de gendarmerie de Montluçon. Autour de la propriété, en position, deux brigades de gendarmerie en armes. Le portail d’entrée était bloqué par les véhicules de la police. » Beaucoup de monde pour arrêter un seul homme ! Une réaction violente avait été « envisagée » ! Un seul geste équivoque et les armes parlaient. (D’où le titre de son rapport : « Pardon de ne pas être mort le 15 août 1974 ».)

Pourtant, le message est clair lorsque Micberth déclare : « Historiquement, l’homme de droite est réfractaire à tous les pouvoirs. Il consent à l’obéissance légitime, il se révolte ou il meurt. En 1976, seule la destruction des institutions lui importe. Ni Dieu ni Maître ni Marx est sa devise. Il est pacifiste et révolutionnaire. Je parle de révolution des consciences, bien entendu. » (Tribune libre du 20 avril 1976 sur FR3)

Dans un communiqué repris par « Le Monde » le 25 mars 1977, Micberth dit encore : « Je réaffirme avec vigueur notre position non violente. Les martyrs ont notre sympathie, les guerriers notre mépris. Nous haïssons le culte de la force, tous ceux qui imposent leurs idées par le feu, le fer et le sang, ou qui maintiennent leur autorité par la force armée ou policière. » Les citations (dans ses écrits ou dans la presse) sont nombreuses. Autre exemple : « Le néo-droitiste n’impose pas ses idées, il les communique sereinement. Il condamne la violence organisée, recours ultime des faibles, des poltrons et des ambitieux. » (Tribune libre du 19 décembre 1979 sur FR3.) Ou encore : « La Nouvelle Droite française (...) n’a pas attendu les événements de cet été et de ce début d’automne pour condamner toute forme de méthodologie violente, individuelle ou collective, ayant même prôné, dans la perspective d’une non-violence effective, la démilitarisation progressive de notre pays et ayant étudié le calendrier possible d’un désarmement mondial. » (Communiqué relayé par les journaux en novembre 1980.)

Les premiers statuts de la NDF, rédigés en 1973, ne seront pas légalement déposés en préfecture, le but avoué de l’association étant la destruction de l’État républicain. Aussi, seront-ils symboliquement déchirés lors du bureau politique du 2 mars 1980 pour être refondus. On trouvait dans les moyens d’action de ces premiers statuts : « provoquer partout où ce sera possible la désobéissance civile : usines, bâtiments administratifs, palais de justice, casernes, etc. – pour faire vivre sur notre territoire une rébellion constante aux lois républicaines et à la morale en usage. » Par contre, « la violence n’est pas retenue comme moyen d’action pour l’accomplissement du projet néo-droitiste, car elle reconduit toutes les erreurs passées et représente une insulte faite à l’intelligence », la NDF se reconnaissant le droit à la légitime défense et se refusant à tendre l’autre joue...

Dans sa postface au « Pieu chauvache », Micberth expliquera très précisément sa position face à la violence : « Dans des repaires officiels, bien que je sois, comme on dit, une « personnalité », un auteur étudié en Sorbonne, ma chère, etc., il y a encore, mais oui, une bande d’aliborons, j’ai bien dit de trous du cul, il n’y a pas d’autre mot, qui rêvent de me voir gésir les bras en croix, la cervelle répandue dans le ruisseau et des chiens sales pissant de la sanie sur ma charogne de répugnant fasciste.

« C’est amusant. Lassant, mais amusant.

« Le plus dur est d’échapper au rêve romantique qui me tanne. L’envie souvent pressante de commanditer une vaste boucherie punitive ; de nettoyer toute cette merde par un grand massacre salvateur.

« Je ne suis plus un violent, la violence est une impasse, une sottise et une faute.

« Mes armes sont rangées au râtelier de la sagesse, si on me passe cette expression un peu cucul. On m’enterrera probablement avant qu’elles ne sentent à nouveau la poudre. Mais il est bon que ces canailles restent persuadées qu’il est de bon goût de ne pas trop tenter le diable, pas trop me désespérer, de ne surtout jamais toucher à l’un de mes enfants, parce que moi, ou l’un des miens, et ça fait du monde malgré tout, on ne partira pas de ce monde avant de leur avoir fait bouffer leurs couilles. Et on est tellement teigneux que ça pourrait prendre deux ou trois générations. » (Micberth, « Le Pieu chauvache », éd. 2002.)

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