Divine surprise ! Vient de paraître aux éditions Pardès (collection Qui suis-je ?) une bio d’Alain Fournier-Camille dit A.D.G. à travers son œuvre. Merci à  Thierry Bouclier de consacrer deux pages (photo comprise) au lien de l'auteur avec Micberth. On l’écoute et on précise deux ou trois choses ensuite.

     La référence à Micberth, pp. 13-14

     « Il a été pigiste au Réveil socialiste d’Indre-et-Loire de Jean Meunier, ancien maire de Tours de 1944 à 1947, avant de rejoindre la Jeune force poétique française, un mouvement littéraire fondé en 1963 par l’éditeur et pamphlétaire Michel-Georges Berthe, dit Micberth. Un personnage pittoresque et controversé dont l’œuvre littéraire se rattache à l’anarchisme de droite. En 1969, il tentera de se présenter à l’élection présidentielle, mais sa candidature sera annulée par le Conseil constitutionnel. Cinq ans plus tard, il sera incarcéré pour avoir détenu un chéquier volé au nom de Georges Pompidou. L’affaire, dite des chèques Pompidou, connaîtra un certain retentissement et se terminera par une relaxe. A cette occasion, il sera défendu par Georges-Paul Wagner, le futur avocat de Jean-Marie Le Pen. Il ne va pas moins permettre à Alain Fournier de faire ses premiers pas dans la poésie et la littérature. Des poèmes, signés Alain Camille, font leur apparition (« Antho » JFPF 64) : « La lumière éclate / Pyromane du plaisir / le machiniste éclaire / la salle diabolique / au long rideau de feu / La satanée lumière qui m’incendie les yeux / n’est qu’un vieux réverbère / dans une rue d’enfer... » Le 8 mars 1967, un autre poème, « Europe notre mère », est publié : « Nous n’aurons pas l’excuse / De tuer les chimères / Nous n’aurons rien / Rien que notre foi / Pour construire / Occident, nous serons jeunes / Tu seras notre maîtresse... » La communauté animée par Micberth est turbulente. En 1968, lui et Alain Camille comparaissent devant le tribunal pour coups et blessures contre un assistant de Guy Suarès, le directeur de la Comédie de la Loire de Tours. Cette affaire permet à Alain Camille d’écrire son premier ouvrage : Lettre ouverte à un magistraillon (éditions Micberth, 1969). Les deux hommes seront aministiés en juin 1969 à la suite de l’élection de Pompidou comme président de la République. C’est également dans un hebdomadaire lancé par Micberth, Révolution 70, qu’Alain Fournier signe ses premiers articles sous le pseudonyme d’Alain Dreux Gallou. Que signifie ce nom ? Rien. Contrairement à ce que A.D.G. a pu écrire ou raconter, il ne s’agit pas du nom de jeune fille de ses deux grands-mères qui s’appelaient Lacroze et Baliteau, Alain Dreux-Gallou deviendra A.D.G. Des lettres mystérieuses qui lui permettront de lancer de multiples interprétations. D’Alain de Gaulle à Alphonse de Gateaubriant. En 1970, Alain Fournier et Micberth se séparent brutalement. Une rupture qui n’empêchera pas A.D.G., un an plus tard, de dédier son premier roman policier, La Divine Surprise « au docteur Michel-Georges Micberth qui est aussi des nôtres ». Ni d’écrire un très bel article dans la revue Actual, lancée par Micberth, intitulé « Céline ressuscité » (Actual n° 2, juin 1972). La page n’en est pas moins tournée. Le temps des balbutiements est terminé. Celui de la « Série noire » est arrivé. Alain Fournier n’a pas encore 24 ans. Mais les événements marquants de sa jeunesse vont irriguer l’ensemble de son œuvre à venir. »

    

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      Quelques remarques

     Pas facile de rédiger une bio, je sais... « A 16 ans déjà, Alain écrivait des choses très belles. Il composait des poèmes. Et vers ses 16 ans, il a rencontré un personnage tout à fait exceptionnel qui s’appelle Michel-Georges Micberth (...) Il dirigeait alors un mouvement qui s’appelait Jeune Force poétique française. » Qui écrit ça ? Serge de Beketch, en décembre 2004, pour la nécro de son ami publiée dans Les Épées n° 14. Il poursuit : « Par goût de l’écriture, il est entré dans ce mouvement, ce qui lui a permis de rencontrer énormément de monde. Michel-georges Micberth lui a ensuite confié la direction d’une collection : là, il a vraiment appris à lire, à sélectionner ses lectures, à écrire et à travailler son écriture. Il a découvert la littérature en soi, Balzac, Céline et tous les autres. Il a écrit des petits textes sous la signature d’Alain Dreux Gallou. »

     Précisions intéressantes, n’est-il pas ? Pour en savoir plus sur l’école micberthienne, lire ou relire ici « La danse des mots », où l’on apprend que Micberth a mis au point avec ses collaborateurs une nouvelle façon d’écrire, véritable révolution dans l’évolution de notre langue : « Cette façon spécifique de mélanger au français orthodoxe une langue approximative, argotique et technique » ou pour résumer : « le style mèque ». Il faut ajouter que les poèmes d'Alain ont été mis en spectacle le 9 novembre 1967 à Tours (Pleins feux sur... Alain Camille. Poésie expérimentale). Voir à ce sujet le livre de Gérard Lecha sur les dégagements autobusiaques.

     Aussi, quand Alain décide de tout arrêter pour faire « le brocanteur », comme son beau-père, le sang de Micberth (qui croit en son talent littéraire) ne fait qu’un tour. J’ai déjà raconté la genèse de son premier « chédeuve », La Divine Surprise, il y a quelque temps (Lire ou relire l’article pour comprendre). Le 17 février 1971, A.D.G. qui a reçu une lettre de Robert Soulat, demande à Micberth de l’aider à peaufiner son travail pour qu’il soit accepté par Gallimard : « Puis-je te demander de m’envoyer assez rapidement tes observations (pertinentes comme toujours) sur ce blot, afin que je me radine bien enfouraillé chez Gaston, absolument prêt à casser la baraque. Je t’en remercie à l’avance et t’envoie mes très sincères amitiés. » (Correspondance inédite). Micberth s’exécutera et Gaston acceptera le blot.

     Thierry Bouclier a bien fait de rapporter l’anecdote de la Comédie de la Loire, car en effet, cette aventure (parmi beaucoup d’autres) permettra à Alain Camille de publier son premier pamphlet, Lettre ouverte à un magistraillon. Par contre, il est faux de dire qu’Alain et Micberth se séparent en 1970. Alain écrira dans Actual-Hebdo jusqu’en avril 1973 (rubrique « Cinéma-quête »).

     Ainsi, tandis qu’A.D.G. fait l’écrivain à la Capitale, Micberth, qui exerce son activité de psychologue praticien, creuse, à ses moments perdus, une mare pour ses canards en plein Berry. Le 19 avril 1972, Camille écrit : « Cher Docteur... Ceci pour dire que je sais aussi être poli quoiqu’étant d’un milieu fort modeste. Je bosse, cher Micb, c’est ça la bath nouvelle, connaud comme je suis, au lieu de me reposer des dures épreuves que tu peux imaginer, je me relève même la nuit, manière de t’en causer. Un homme qui creuse des mares ne saurait rester indifférent aux efforts d’un gugusse qui s’efforce de faire marrer les gens. Et Duhamel me paie fort cher pour ce genre de conneries ! » (Correspondance inédite.)

   Le 14 juin de la même année, Micberth répond : « Mon bon Fournier, je t’annonce la bonne nouvelle ! Fais gaffe aux ailes des anges qui tournent autour de mon front ; te prends pas l’œil dans une trompette. T’es garé ? Bien. J’ai terminé la mare aux canards ! Si, c’est vrai. Ben pourquoi tu doutes ? Tiens, juré, craché, slarch ! Alors !!! Tu les verrais mon bon Fournier, s’ils sont jouasses les canetons, splaf et que je te plonge sous l’eau, gloupft et que je te ramène un petit ver. Flizz, flizz, à coups d’ailes ça avance sur la surface de l’iau, le cou bien tiré en arrière, le cul un relevé. Cooin cooin cooin. A se vouloir canard tellement la facilité de ces futurs à l’orange étonne et fait envie. » (Correspondance inédite.) Bucolique, non ?

     A.D.G. et Micberth ont failli se revoir en 2004. Mais « le crabe » veillait et la rencontre n’eut pas lieu...

     Laissons Micberth conclure : « C’est toujours les autres qui écrivent votre histoire, avec leur décimètre ou leur décamètre à la main, selon l’importance qu’ils vous accordent. » (Lettre de Micberth à A.D.G. du 3 septembre 1974. Correspondance inédite.)