Allez savoir pourquoi le mot zadistes évoque chez moi « ces jeunes humanistes robespierriens » cités par Micberth dans plusieurs de ses textes. En recherchant le contexte de la citation, j’en arrive à ses chroniques sur « Mégalo » (premier libelle télématique, bien avant Internet) où il commente l’actualité. Nous sommes à la fin de l’année 1989. Nicolae Ceausescu, président de la République socialiste de Roumanie, grand « génie des Carpates », va bientôt être condamné et exécuté (le 25 décembre) après 25 ans de règne.

Les dictateurs, j’aime...

« J’aime bien les dictateurs meurtriers ; qu’ils soient de gauche ou de droite. En fait, en y réfléchissant bien, ils furent et sont toujours tous de gauche. Je n’imagine pas un « individualiste de droite » autocrate. Mussolini et Hitler étaient de gauche ; même si, gna gna gna, le capital et les maîtres des forges ont rejoint leur délirante épopée.

« Un qui m’amuse particulièrement, c’est Ceausescu, le Roumain magnifique. Seul dirigeant à ce niveau et en exercice qui soit un assassin de droit commun. Apprenti cordonnier, il aurait tué d’un coup d’un seul, à l’aide d’une alêne, son employeur. Il purgeait sa peine quand les communistes, arrivant au pouvoir, firent sortir des geôles ce tueur de patron qui, d’ailleurs, avait tué sans aucune arrière-pensée politique ; tueur banal, comme vous et moi, si vous voyez ce que je veux dire.

« Au risque de vous livrer ma fatrasserie comme la première des provocations, je persiste et je signe : j’aime les dictateurs meurtriers.

« Combien de fois ai-je entendu ces jeunes humanistes robespierriens, le teint pâle et l’haleine chargée par les flatulences de la macrobiotique, m’emplir les oreilles d’ânées rhétoriciennes sur les droits de l’homme ?

« Je savais que ces mêmes blafards, sortis de leur ghetto culturel, empesés d’un demi-pet de pouvoir, m’expédieraient à l’abbaye de Monte-à-Regret et sans bouger un cil d’émotion.

« L’aventure personnelle d’un Ceausescu vaut bien celle d’un blafard. Attention... Qu’on ne se méprenne pas. J’offre également ma tendresse à celui qui butera le dictateur roumain. J’ai simplement voulu expliquer que des laudateurs victorieux auraient pu intégrer la vie d’Hitler à celle des saints et que le bon peuple aurait avalé ça, soit en approuvant, soit en renaudant. Je ne fais pas non plus l’apologie du meurtre, mais il est naturel à l’homme de tuer : pour se nourrir, se défendre, par jalousie, par plaisir, par volonté de puissance, par vice, etc. »

(Micberth, extrait de la chronique publiée le 7 décembre 1989 sur Mégalo)

Ceaucescu 

« Mon copain le Roumain massacre et massacrera à tout va. Et puis après, s’il gagne, la France, dans deux mois, installera à Bucarest une usine Citroën. S’il perd, ce sera un fumier de dictateur en moins et on se félicitera de la naissance de cette jeune démocratie roumaine et blablabla.

« J’ai entendu une andouille de journaliste dire « un dictateur gère plus ou moins bien son départ ». D’après cette « pertinente » analyse, Pinochet, lui, serait un dictateur comme il faut, qui part sans faire de vagues pour jouir d’une retraite de père de famille respecté ; alors que Ceausescu se préparerait à se faire broyer les couilles par la populace légitimement mandatée à broyer les gonades aux dictateurs qui ne veulent pas dégraisser tout seuls.

« Un vrai dictateur ne peut être chassé du pouvoir que par la force.

« Je hais les journalistes. »

(Micberth, extrait de la chronique publiée le 22 décembre 1989 sur Mégalo)

Je rame, je rame... 

« Je serai bref. Ce Noël aura été, à l’image des événements internationaux, pour moi, épouvantable.

« Cela prouve au moins une chose, l’expérience n’est pas une armure contre les mauvais coups du sort. Plus on prend de l’âge et moins on est protégé. Je vais devoir me plonger dans le thème astral de Ceausescu, Noriega et le mien pour y trouver des signes parlants, ou l’astrologie n’est qu’un torche-cul. Ce qui n’est pas à exclure. (...)

« J’y ai même été de ma petite tendresse pour les révoltés roumains et plaf, j’apprends qu’ils assassinent « le génie des Carpates » et sa bonne femme, après un simulacre de jugement qui aura duré deux heures.

« J’apprends que le gouvernement de Salut Public institué par la révolte ne serait que la vilaine bande recomposée des anciens malfaiteurs communistes. Etc.

« Parce que j’avais un gros chagrin personnel au coeur, à 44 ans, je viens une nouvelle fois de croire au père Noël et de me faire enculer par ces satanées images qui sont plus menteuses, vilainement menteuses qu’un gamin mythomane.

« Je me décerne à l’unanimité un énorme bonnet  d’âne d’honneur. »

(Micberth, extrait de la chronique publiée le 27 décembre 1989 sur Mégalo)

Bien fait !

 « Hier, je suis parti au lit avec deux gros yeux desquels s’échappaient des ondes lumineuses concentriques parce qu’un aimable journaliste* du Courrier était venu m’en mettre plein les mirettes. J’ai un peu perdu l’habitude des flashes et je vais encore me trouver horriblement laid à cause de la grosse trame simili utilisée par le quotidien.

« Le journaliste étant agréable, nous avons parlé des événements en général et de la Roumanie en particulier.

« J’ai complètement oublié de lui signaler les étranges cadavres du charnier de Timisoara : tous autopsiés et recousus proprement ; on eût dit les charognes d’une morgue d’hôpital d’indigents. J’ai tenté de m’imaginer des bourreaux recousant avec une patience de ravaudeuse des centaines de cadavres. Je dois avoir mauvais esprit.

« Toujours ce mauvais esprit qui me pique les fesses quand les 60 000 morts de la répression passent à 8 000 puis à 4 000 pour finir à 800... J’ai entendu avec ces deux oreilles dont chacune est plantée de chaque côté de ma tête de cochon, Ceausescu affirmer calmement, lors de la parodie de procès dont il fut la victime, qu’il s’agissait d’un coup d’État et qu’il voulait être renvoyé devant l’assemblée légale du peuple. On sait maintenant qu’il s’agissait d’un coup d’État préparé de longue date. On sait aussi que les patrons de la Securitate ont retrouvé les faveurs du Front de salut national. Terroristes et garde prétorienne un jour, instance légale le lendemain, on se paie vraiment notre figure.

« Quelle différence y a-t-il entre un démocrate menteur et un tyran sincère ? »

(Micberth, extrait de la chronique publiée le 4 janvier 1990 sur Mégalo

* Il s’agit de Jacques Béal. Voir notre article « Jacques Béal et Le Courrier picard » en novembre dernier.

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