C'est la rentrée littéraire ! Quel auteur, novice ou confirmé, n'a pas rêvé d'une belle critique circonstanciée de ses écrits ? La chronique qui suit fut rédigée par Jacques d'Arribehaude et publiée en mars 1988 dans Le Bulletin célinien (N° 67). Trente ans, me direz-vous, c'était il y a longtemps ! Sans doute, mais ce texte est curieusement d'actualité et mérite une relecture. Écrivain, cinéaste, artiste peintre, conseiller littéraire, etc., Jacques d'Arribehaude enregistra avec Jean Guénot en 1960 la dernière interview de L.-F. Céline.

Une série de beignes

« Je viens de dévorer La Lettre, de Michel-Georges Micberth, suite d’articles et de textes parus Dieu sait où en 84-85, qui ont l’admirable éclat d’une série de beignes appliquées à toute volée sur les faces de pitres, de loufiats et de tarés qui règnent sur ce pauvre monde et mettent à l’abrutir une opiniâtreté, une haine, une infâmie dans la délation et le sournois verrouillage juridique, qui rendraient aimable le souvenir de l’Inquisition.

« Dans un monde à ce point asservi et rampant, la sainte colère de Micberth, son ironie meurtrière, sont un réconfort, une bouffée d’oxygène, proprement inestimables. Tout mérite d’être retenu et médité, mais les briseurs de tabous en ces temps d’intolérance sont trop rares pour qu’on se prive ici du plaisir de quelques citations. Sur un « chef de caste », « l’éblouissant Jean Daniel », ceci : « Faux bonhomme, faux libéré, faux talent, faux semblant, faux socialiste, faux journaliste, faux penseur, fausse audience, faux-fuyant mais vraie vraie salope ». Suit une descente en flammes du Nouvel Obs, éminente institution de notre prêt-à-penser médiatique.

« Sur un de nos réputés « nouveaux philosophes », ce coup d’encensoir pleine poire. « Lévy est un minus habens glaireux. Chacune de ses déclarations insolentes, excessives et provocatrices fait naître la haine... Je donnerais bien les œuvres complètes de l’Hébreu de chez Grasset contre un point virgule de Au Régal des vermines. Lévy endort, Nabe éveille. »

« M.-G. Micberth, observant une scène politico-médiatique, tous partis confondus, exclusivement peuplée de malfaisants cloportes dont le point commun, outre le niais bafouillage républicain, est la référence démocratique la plus creuse, la plus plate, la plus vomitive qui se puisse concevoir, n’épargne aucun de ces puants démagogues. Il y a cependant quelques nuances dans la très réjouissante énormité des Écrits méphitiques, dont une des palmes revient assurément à l’ex-premier ministricule Fabius, au temps de sa splendeur. « Quand on est affligé d’une tête de marchand de caleçons molletonnés, on n’a pas le droit d’être le Premier ministre de la France, même pouilleuse, même républicaine, même canaille, même socialiste... » Après ce compliment, l’allusion à Le Pen est quasiment affectueuse. « Jean-Marie est un copain avec lequel j’ai torturé 200 bougnoules à Alger en 57. Je suis prêt à le jurer devant un tribunal. C’est à cette seule condition que je pourrai enfin toucher le chèque de Libé. » Mais voici précisément July l’avantageux, « l’épatant de Libé », aligné presto d’une balle dum dum. « Lui aussi a sacrément évolué en 10 ans, sauf son style immuable, plat et nul. »

« Pourquoi faut-il, cher Micberth, que votre magnifique et exultante liberté de ton paraisse un peu flancher à l’égard du Monde, seul journal à peu près lisible, je vous l’accorde, mais d’autant plus révoltant dans la bassesse conformiste, l’hypocrisie cafarde, la délation voilée, et les grands principes qui nous puent au nez ? Nous y reviendrons sans doute, mais vous savez très bien que l’ensemble au grand complet de ces résidus rédactionnels ne vaut pas plus de considération que la dernière crotte des biques de votre castel angevin. Fort heureusement, je vous retrouve quand vous évoquez la réussite de Julio Iglesias, « plus encore parce qu’elle fait chier les nuls chanteurs Rive Gauche (je les vomis comme la soupe au tapioca), que pour la joie qu’elle m’inspire, j’aime Iglesias parce qu’il a su, mieux que personne, imposer son caca vocal comme une religion planétaire et surtout, parfaitement le vendre... Il n’est pas pire que l’avidité des politiciens qui détruisent souvent nos vies ou le banditisme de la totalité des industriels qui polluent et empoisonnent nos cœurs et nos corps... »

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« Tant de verve, et de si haute tenue, ne peut que mettre en appétit, mais il s’y mêle aussi, tout comme chez Bloy, des pages d’émotion, de gravité poignante, de poésie pure, qui témoignent d’une souveraine maîtrise de style dans une langue merveilleusement vivante. Au passage, j’apprends sans surprise (l’auteur n’est pas de ceux qui donnent dans le lamento talmudique indéfiniment ressassé), que Micberth a tâté de Fresnes, sans doute pour liberté d’expression inadmissible en ces temps d’intolérance où l’on invoque constamment et à tout propos la très tartufiante et répugnante litanie des droits de l’homme. J’apprends aussi, avec satisfaction, qu’il a trouvé à s’abriter, usant effectivement de ses titres et parchemins, dans l’infrangible Sorbonne, où se rencontrent plus qu’on ne croit – la preuve – de vraies consciences qui mettent le talent et le génie à leur juste place, au-delà de notre misérable actualité. Il urge de lire Micberth, de suivre ses travaux, et de s’abonner autant que se peut au bimensuel Regards sur Micberth que publie François Richard, docteur de l’université Paris-Sorbonne et auteur d’une très remarquable étude sur l’anarchisme de droite dont nous rendrons compte prochainement. Enfin des hommes de courage.

« J’étais sous le coup de cette roborative découverte de Micberth, lorsque j’ai eu sous les yeux (12 février) le show apostrophique du drugstore superchic Pivot. Pour me prémunir, j’avais relu ces quelques lignes vaccinatoires du bon docteur Micberth : « Pivot. Plante ornementale qui fleurit chaque vendredi soir pour donner de toutes petites graines somnifères ». Surprise, mes ronflements n’ont pas été instantanés, ce qui m’a valu d’avoir l’œil entrouvert sur l’effarement blême et scandalisé de ce pitre devant l’échec de ses objurgations à l’Académicien Mohrt, sommé en douce de manifester sa honte d’avoir été lié d’amitié à Bassompierre, condamné à mort à la Libération, et d’exprimer comme il convenait le reniement du maréchal Pétain. Non seulement Mohrt ne s’est pas laissé impressionner, mais il a carrément refusé ce jeu de loufiat, se contentant de rappeler, avec une tranquille désinvolture le mot célèbre, quoique méconnu : « Il faut croire que je suis seul à ne pas avoir été résistant. » Le tout, sans le plus petit soupçon d’excuse. La tronche de Pivot valait son pesant de moutarde de Lyon, je vous assure. (...)

« Je n’ai rien retenu de la prestation d’un certain Roberts, visiblement épuisé par l’inutilité de son personnage et de ses douze ou quinze volumes. Un joufflu arrogant a alors éprouvé le besoin de postillonner d’un ton venimeux l’émoi scandalisé que lui inspiraient les propos de Mohrt et Robbe-Grillet. « Frivolité criminelle », ai-je cru entendre... Et ce Guégand, auteur de je ne sais quel bréviaire de haine écrit pour les enfants, et dont il nous gratifie, de ricaner sur les Celtes et Gaulois évoqués en toute innocence par nos Armoricains, comme s’il y avait un péché de nature et une honte inexpiable à naître Breton, Valoisien ou Basque plutôt que Juif, comme lui. Si ce n’est pas du racisme, pendez-moi ! Je reprends Micberth pour respirer un peu d’air frais et ne pas me sentir trop seul : « La simple honnêteté et l’hygiène mentale » ont justement inspiré à Micberth quelques réflexions sur l’affaire Barbie que vous ne trouverez pas dans vos quotidiens habituels. « Mais les Juifs ! écrit-il. Vous oubliez les Juifs, les enfants juifs, les vieillards juifs, les femmes juives ! A cela je réponds : Mais vous oubliez les catholiques, les enfants catholiques, les femmes catholiques ! » A trop en faire dans l’exploitation holocaustique à sens unique, craignez que l’ultime réponse chrétienne aux « six millions » de « l’unicité fatidique » (dixit Lévy) devienne un jour de très humaine lassitude : « Et que voulez-vous que ça nous foute ? » « Sous la plume des apprentis sorciers qui le couvrent d’immondices, écrit encore Micberth, Hitler apparaît aux nouvelles générations comme une sorte d’ange satanique blasphémé par les penseurs épais du conformisme débilitant. Pour un peu, il deviendrait le symbole d’un romantisme intemporel. »

« N.B. Avis à la LICRA et à ses cafards. Je suis Grand Invalide de guerre 100/100 au titre « interné résistant », couvert de toutes les bananes patriotiques que vous n'avez généralement pas, évadé, engagé, FFL et tout le boxon. Inutile de m'emmerder. »

Jacques d'Arribehaude