Une fois n'étant pas coutume, je viens de terminer le dernier livre de Philippe de Villiers Le Jour d'après. Et j'avoue que la lecture de ce brûlot me laisse pantoise et rêveuse. Pourquoi cette impression de déjà lu, entendu, vécu ? Le sentiment étrange de lire Micberth, 40 ou 50 ans plus tard. Fallait-il vraiment perdre tout ce temps pour en arriver à la même conclusion, à la même inquiétude ? L'occasion pour moi de me replonger dans les textes et de faire quelques comparaisons,

Ph. de Villiers : « Notre société coule à pic. Nous sommes en perdition. À moins d'un grand réveil des consciences, dont on aperçoit les signes annonciateurs ».

M.-G. Micberth : « Fin 1966, début 1967, presque tous les jeunes intellectuels de France savaient que nous n'échapperions pas à ce que j'appelais alors « la révolution des consciences ». (…) « Nous militions bien avant Mai 68 pour une révolution des consciences et nous accueillîmes les journées des barricades avec une très grande satisfaction. Nous espérions cet effort extraordinaire de la jeunesse contre la bêtise et les principes poussiéreux. »

M.-G. M. avait en effet le projet de construire une société reposant sur le mérite, sur la vertu des êtres, leur capacité à innover, sur le respect de l'autre, la fidélité aux engagements pris devant la communauté, sur une volonté de se réaliser pleinement et d'échapper au conditionnement imposé par la société, de favoriser la liberté authentique de l'individu.

En un mot pour échapper au formatage des êtres que Ph. De Villiers annonce dans son livre comme une catastrophe à court terme..

C'était là tout l'objectif du Centre d'études et de recherches expérimentales du Plessis qu'il avait créé en septembre 1968 avec ses collaborateurs (et trices) pour vivre collectivement selon un nouveau « contrat d'être ». La Nouvelle Droite française, parti politique fondé plus tard, en 1973, possédait dans ses statuts un article particulièrement significatif : « S'efforcer de faire régner une nouvelle sagesse universelle qui ne soit pas une morale de la résignation et du sens commun. »


Ph. de Villiers : « Il faut remettre de l'humain dans ce monde, retrouver la bonne échelle, redonner à la vie ses fragilités, sa poésie, son humanité. »

Ce fut le combat de M.-G. Micberth qui s'efforça tout au long de son existence de vivre et faire vivre à ses proches « autre chose que toutes ces choses ». Il écrira entre autres : « J'aime creuser la terre, travailler le bois, sculpter la pierre, peindre, dessiner, bricoler, réparer un jouet brisé par un enfant, construire un jouet pour un enfant, voler au secours d'une détresse, me donner corps et âme à une cause difficile ou perdue, regarder les saisons avec complicité, boire avec des amis, contrer les autorités, vivre dangereusement, chier une grosse envie en écoutant Chancel, uriner la nuit sur une pelouse pleine de grillons, réconforter mes semblables, donner ce qui ne m'est pas stirctement indispensable, donner, donner encore... » Tout un programme !


Ph. de Villiers : « La vraie vie, c'est celle qui met la vie au-dessus des nécessités de nature, au-dessus des viscères, c'est la vie de l'esprit, des enchantements de l'âme, de la grandeur, de l'oblation du regard, du sacrifice... »

M.-G. Micberth : « J'ai besoin de vous, de votre foi, de votre noblesse, de votre sacrifice. (…) Avec moi, vous fonderez une nouvelle chevalerie : Intégrité, Fidélité, Honneur. (…) Plus un homme se donnera aux autres et à son pays, et plus il aura le droit d'orienter et de définir la vie de ses concitoyens. »


Ph. de Villiers : « J'ai écrit ce livre avec une plume de feu, la peur au ventre, je l'ai écrit comme un petit manuel de réveil des consciences et de résistance, pour donner du courage à ceux qui veulent encore vivre debout. »

Qui dit résistance, dit acte de désobéissance cher à M.-G. Micberth : « (…) Désobéissez et les richesses du passé, notre culture, vous serviront à asseoir les bases d'un devenir excellent, généreux, fraternel. Nous devons gommer de nos mémoires ces cinquante dernières années et réapprendre à vivre. » Un appel qu'il a longuement développé dans une Tribune libre qui fait date. C'était en 1977. Ou encore : « Désobéir, c'est ridiculiser l'État républicain et le contraindre à évoluer ou à se démettre. Désobéir, c'est préparer une vaste révolution non sanglante, une radicale transformation des institutions, le désarroi salutaire et fécond. »

Si la perte d'identité de notre pays n'était pas une préoccupation omniprésente alors, elle pointait dèjà son nez. Terminons sur une citation de Micberth qui l'évoque : « (Comment) enseigner la France, ses beautés, ses grandeurs, ses servitudes à des habitants qui la dénigrent, à des mondialistes qui la nient ? » ( M.-G. M., 1977. Aïe !).

C'est un peu ballot d'avoir perdu tout ce temps, non ?

Sources :

Le Jour d'après, Philippe de Villiers, 2021.

Petite Somme contre les gentils, Micberth 1995.

Regards sur Micberth (Revue), numéros 1 et 2, 1987-1988..

Pardon de ne pas être mort le 15 août 1974, Micberth, 1977.