Souvent salué pour sa verve redoutable, son talent de créateur, de « dynamiseur de la langue et de la littérature traditionnelle » (sic François Richard), placé aux côtés des plus grands comme Céline, Bloy, Daudet, Drumont, etc., dans « L'Anthologie du pamphlet de la Libération à nos jours » (« Le Crapouillot », 1973), Micberth s'est souvent défendu d'être « un écrivain ». Il écrit à propos de cette consécration : « Ce n'est pas tant la considération d'un torche-cul qui me flatte, mais l'événement qu'a suscité le choix de ses collaborateurs. Enfin, soyons sérieux. Comment ce cacocraphe de Micberth-Asudam a-t-il pu s'introduire à la table des prestigieux faiseurs ? Par effraction assurément. Le bougre n'en est pas à sa première friponnerie... Désolé, mes sires, on m'y a traîné de force, presque contre mon gré et, autant que vous, j'ai été surpris de découvrir mon patronyme au beau milieu de ces potentats. J'entends d'ici les jaloux, ceux qui tètent les conduits des latrines, la main sur le cœur affirmer doctement que « Le Crapouillot » n'est plus ce qu'il était, gnagnagna et que la charogne de Galtier-Boissière (le vénéré directeur) tressaute dans son sépulcre. Peut-être, mais les faits sont là. Contents ou pas, ces drôles seront tout de même contraints de m'avaler jusqu'au bout et en poussant un peu leur gros cul pour que j'y mette le mien. »

Écrire n'aura jamais été pour Micberth prétexte à une carrière littéraire, mais le prolongement de son existence dense et fourmillante à tous les stades : la poésie, enfant, pour gueuler son mal-être ; les « dégagements autobusiaques » pour proposer un nouveau théâtre ; le pamphlet pour briser les tabous, hurler sa colère et son indignation ; l'écriture minitellienne, avant l'explosion des réseaux sociaux. Écrire n'aura été pour Micberth qu'un outil de combat, un moyen d'agir comme un autre, de dire, de dénoncer l'injustice, la bêtise. « (Il) taille dans le matériau de notre langue au sabre de combat, estoque ses adversaires avec une belle allégresse, s'enfonce dans la jungle des idées et des concepts à la machette, bouscule les conventions et les préjugés d'un seul haussement d'épaules, et achève ses philippiques par un chapelet d'invectives ou un immense éclat de rire », comme l'explique François Richard.

En 1982, Micberth écrit : « Je n'accorde que peu de confiance à ma mémoire visuelle. Je ne suis qu'une monstrueuse mémoire émotionnelle. J'ai le constant besoin de vérifier et de revérifier tout ce que j'écris. Je considère cela comme une correction à l'égard de mes lecteurs. Et quel que soit le talent que l'on veut bien me reconnaître, je me considère comme un « écrivaillon ». Je reste de nombreux mois sans écrire. Et à mon sens, mais je me trompe peut-être, un homme qui reste des mois sans écrire n'est pas un écrivain. L'écriture à mes yeux doit être un besoin et puis, il y a la technique. Pour posséder une parfaite maîtrise de la langue employée, l'écriture devrait être quotidienne. Et c'est en remettant chaque jour, etc. Ce n'est pas encore mon cas, même si je me suis efforcé au cours de mon existence, d'améliorer sans cesse mon style et de l'enrichir par une recherche scrupuleuse. » (M.-G. M., « Oraisons ombiliquées ou dialogue avec Truc », inédit.)

De ses pamphlets, il disait qu'il étaient efficaces, mais ne suffisaient pas encore à faire de lui un écrivain. Le mot juste, toujours, l'image qui frappe. Pourtant l'aboutissement du style micberthien se trouve certainement dans ses textes au vitriol de 1984-1985. Jacques d'Arribehaude écrira dans « Le Bulletin célinien » en 1988 : « Je viens de dévorer « La Lettre », de Michel-Georges Micberth, suite d’articles et de textes parus Dieu sait où en 84-85, qui ont l’admirable éclat d’une série de beignes appliquées à toute volée sur les faces de pitres, de loufiats et de tarés qui règnent sur ce pauvre monde et mettent à l’abrutir une opiniâtreté, une haine, une infamie dans la délation et le sournois verrouillage juridique, qui rendrait aimable le souvenir de l’Inquisition. »

« J'ai toujours affirmé qu'on ne pouvait pas vivre et écrire », écrit Micberth qui livrera très peu d'articles incendiaires dans les années 1990, chaque prise de parole lui valant les foudres des tenants de l'idéologie dominante et des pouvoirs publics. Mais il ne se sentit pas pour cela un « écrivain maudit ». En 2011, il annonce en forme de boutade sur les réseaux sociaux (FB) : « Je n'écris plus, je vais me consacrer à la trompette... » Il n'eut pas le temps de mettre sa menace à exécution.

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Lire ou relire sur « Regards » les articles autour de l'écriture : « Le pamphlétaire » 1 et 2, « La danse des mots ».