«  Il n'est pas convenable pour un homme que l'on brosse en Sorbonne de dire à ses chers lecteurs qu'il se les caille. Et pourtant les faits, la neige et le froid, sont là, je me les caille vraiment

« J'ai transhumé mon noble corps gelé du cabinet sis au rez-de-chaussée, jusqu'à la chambre du premier étage, brûlante comme la vulve d'une première communiante. Là je suis bien, et le postérieur calé dans mon fauteuil, le coude appuyé à l'angle du bureau qui croule sous les livraisons absconses de mes confrères, j'embrasse d'un oeil esbaudi la campagne picarde, le parc, blancs comme ma conscience naïve et immaculés comme la conception du même métal.

« Je n'ai pas regardé la TV, j'ai peu lu les journaux, je n'ai guère reçu. Je me suis rétracté, replié sur moi-même comme un pénis de farfadet après un commerce coupable avec le coeur pubescent d'une plante urticante. J'ai observé méticuleusement la peau de mon année morte qui gisait à mes pieds. Je n'ai pas aimé cette peau et moins encore les stigmates que j'y ai trouvé tracés. La maladie d'abord, insidieuse, vacharde, douloureuse, invalidante, brouillon maladroit de celle qui toujours précède le froid éternel. Les blessures d'amour-propre, nombreuses, aux bourbillons nécrosés, aux effets secondaires imprévisibles. Les désespoirs sales, générés par les laides trahisons qui vous arrachent constamment de l'enfance, défèquent sur votre candeur, piétinent l'espérance, bafouent l'honnêteté. Toute cette saleté que je quitte et qui me replonge dans un autre purin que, Dieu merci, je ne conçois pas encore tout à fait.

« Mes yeux s'attardent sur les hématomes laissés par les atroces suceurs, faussaires de la vie, qui se collent à vous, déterminent votre destin, empoisonnent votre moëlle, rampent pour vous mieux pomper, vous vident de tout ce que vous êtes, vermine saprophyte et idéophage qui planete ses dents pointues dans ce que vous avez de plus profond, de plus noble, de plus secret, de plus généreux, de plus fragile, accroche sa bouche et aspire jusqu'à satiété pour ensuite, ventre plein à péter et autonomie trouvée, se décoller méchamment et aller infester d'autres vies jusqu'à ce que mort s'ensuive.

« Autrement, pour moi, ça va, merci, je suis gai. Bonne année. »

(M.-G. Micberth, Édito « La Lettre de Micberth », janvier 1985)MGM1985_2.jpg