La poésie est bien vivante. Vive la poésie ! N’en déplaise à tous ceux qui croient défendre « son extrême vitalité » en l’enfermant. Je veux parler, bien sûr, des 1 200 signataires d’une pétition débile qui voient en Sylvain Tesson, futur parrain du Printemps des poètes, une « icône réactionnaire », une « figure de proue de l’extrême droite littéraire ». Pauvre France !  

 Quand M.-G. Micberth fonde la Jeune Force poétique française, en 1963, Louis Aragon en accepte la présidence d’honneur. Oui, j’ai bien dit : Louis Aragon, le poète, grand communiste devant l’Éternel ! Deux ans plus tard, Pierre Boujut, tonnelier-poète, écrit à propos de Micberth dans La Tour de feu, revue dite « d’espérance et de fraternité » qu’il dirige : « Le fascisme en poésie n’a pas meilleure gueule qu’ailleurs ».

Déjà ! Micberth « s’trême droite » ? Les nombreux poètes publiés alors par lui (revues, disques, fascicules, séquences sur Europe 1) ont dû apprécier la boutade.

 Pour célébrer le vingtième Printemps des poètes en 2016, les archives départementales d’Indre-et-Loire eurent la bonne idée de mettre en ligne le texte du « libéralisme poétique », document datant de 1965, où Micberth exprime sa volonté de casser les codes de l’écriture poétique et de partir en guerre contre les vers de mirliton. « Le public espère et veut la simplicité », écrit-il, « un français remanié, souple, un vocabulaire parlé, une régénérescence de l’écriture : une simplicité sensible qui puisse le faire vibrer, le faire communier avec l’auteur ».

 En 1969, M.-G. M. publie « 1000 poètes, ce jour », somptueuse anthologie qui comprend 260 illustrations originales de Bernard Deyriès (qui, depuis, a fait son petit bonhomme de chemin) et 12 tests « psychautobusiaques » (le mouvement autobusiaque est né 2 ans plus tôt). L’ouvrage est dédicacé à Charles de Gaulle. En exergue, un aphorisme aux accents nietzschéens : « Quelqu’en soit le prix, transcendons-nous. Alors nous mériterons, et à cette seule condition, le titre d’homme ».

Un peu réactionnaire et « complotiste », tout ça, non ?

 L’anthologie est accompagnée d’une préface micberthienne dont voici quelques extraits :

« Il y a mille motivations qui assaillent un éditeur. Les miennes se référencent facilement. Par exemple, je fais pipi sur l’apriorisme, le nantisme et autres fariboles. Je fous tout dans le même panier, bons et mauvais. À vous d’y voir clair. Les mauvais retourneront à leur estrade d’instituteurs, les bons graviront l’escalier de la gloire (Bien que pour la gloire, faut pas trop y compter). » (…)

« Quand on baise bien, qu’on mange bien, qu’on a une jolie gueule, une belle bite, on n’écrit pas de la poésie. On fait de l’expression artistique parfois, en fantaisie, pour irrécuser cette présence mirifique et pour remercier la vie, la nature de vous avoir faits si beaux. C’est mon cas ! Pas le vôtre. Voilà pourquoi je suis détesté, mythomane et amateur de Bourgueil millésimé. Vu ? » (…)

« Oh ! puis je suis sûr que ceux qui en valent la peine comprendront que tout cela est du mauvais humour, de la rancœur pleine de contradictions, car tout bien pesé, je les aime bien les poètes, plus que ça encore et toujours, c’est pourquoi je me crève le cul à les faire connaître, ainsi, depuis sept ans bientôt. Pardonnez-moi, je suis un bout en train… triste. »

Pour info, rappelons que Micberth a donné la parole à près de 2000 poètes en herbe.

 En 1984, après un tri sévère dans sa propre production, M.-G. M. publiera « Les Pensées de l’escalier. Poèmes des jeunes années ». Ses premiers textes datent de 1953. Il a alors 8 ans. Il restera en poésie une quinzaine d’années, puis se tournera vers un autre genre littéraire au début des années 1970 : le pamphlet.

Pour conclure : « Travaillez intelligemment votre français. Croyez en vous ! Foncez, soyez sincères, objectifs ! Criez merde sans vulgarité ! Arrachez les œillères de vos maîtres ! » On ne peut mieux dire. Encore faut-il bien connaître son français ! That is the question.

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