Donner une minute à un politique (quel qu’il soit) dans un débat télévisé, pour répondre à une question épineuse, n’est-ce pas se moquer du monde ? N’est-ce pas mépriser l’intervenant et son auditoire ? « Un exercice très difficile, mais stimulant », selon les directeurs de campagne des nouveaux prétendants au trône républicain. Le comptage du temps de parole à la télévision confine au grotesque.
Micberth dénonçait déjà dans les années 1980 les méthodes de ce qui est devenu le Parti des médias, cher à Philippe Cohen. Ne souhaitant pas être interrompu lors d’une démonstration, voire apostrophé par le premier venu, il refusait de débattre à la radio et à la télévision, et déclina entre autres les invitations de Paoli, Chancel, Polac. Pour ce dernier qui souhaitait l'inviter à son Droit de réponse, Micberth faisant « sa diva », exigea tout simplement : « que vous m’épargniez la présence des médiocres qui me font tourner l’âme au vinaigre, comme les menstrues des belles dames gâtent, paraît-il, le bon vin qui se fait ».
Il bénéficia néanmoins à plusieurs reprises d'un « espace de liberté » sur le service public : 15 minutes de prestation non interrompue (un luxe !) et fut interdit d'antenne après son allocution télévisée du 8 avril 1982 intitulée « Prout, caca, boudin ou l'État socialo-communiste ». Pas besoin de faire un dessin...
Un an plus tard, il écrira : « Par expérience, je sais que dans une improvisation d’un quart d’heure, même sérieusement préparée, il ne reste pratiquement rien d’essentiel à coucher sur le papier. Tout est centré sur l’effet à produire et la qualité de l’improvisation reste dépendante des influences extérieures, de la dispersion de l’attention, sans parler de l’état du prestataire le jour de l’enregistrement.
« Chez moi, en tout cas, c’est ainsi : un mal de tête, une querelle familiale, une interrogation pernicieuse sur l’utilité des choses, une jolie script qui me fait bander, un cadreur à sale gueule, un réalisateur désinvolte, etc., influent considérablement sur le contenu, la nature, la profondeur et la rigueur de mon discours.
« Je me suis donc imposé d’écrire mes textes : faire passer en peu de lignes l’essentiel du message.
« J’ai expliqué plus haut mon goût vicieux pour les mots forts, aussi répugnants soient-ils, je n’y reviendrai pas.
« L’apostrophe ordurière au peuple peut s’entendre comme le contre-pied pris de ce qui se pratique ordinairement. En démocratie, le tribun sollicite les suffrages de son auditoire, il se contraint donc au double langage et flatte ceux dont il a besoin. Chez moi, ce souci est absent. Je dis ce que je pense sans me soucier le moins du monde de l’effet négatif produit. Je n’ai rien à vendre. La canaille et moi ne pâturons pas ensemble. Cela me permet d’entrée de sélectionner mes sympathisants et mes amis. Méthode d’épuration qui me laisse espérer –voyous découragés – que nous resterons entre gens convenables. Le risque est de perdre ceux qui ne verraient là qu’une manière simpliste de provocation grossière. Tant pis pour eux. »
(...)
« Je n'ai pas assez de considération pour l'institution TV pour solliciter – à plat ventre – « l'honneur » des sunlights. Aucune affectation dans mon propos. On me donne un quart d'heure par an : tant mieux et merci. On me le retire : tant pis et allez vous faire mettre bien au fond.
« Voyons ! C’est à vingt ans qu’il fallait me coller constamment une caméra sous le nez. Quand j’étais jeune, beau et pétillant, quand mes idées – moins radicales – pouvaient encore passionner un grand nombre de téléspectateurs. Aujourd’hui mon usine à méchanceté produit trop de déchets et là où je suis, en altitude désertée, les mots ne servent qu’à asseoir ma postérité, si postérité...
« Même attitude envers la presse. Les journalistes ne se déplacent plus spontanément ; il leur faut des attachées de presse à la vulve accueillante, qui constamment les harcèlent, les sollicitent. Car là encore plus le journal devient papier cul et plus le journaliste se hausse du col.
« Dans ces conditions, il fera chaud le jour où je demanderai à l’un de ces zigues de venir me tresser une couronne.
« Le jeu des médias n’est pas mon jeu et je continuerai à en bouder les règles – jusqu’à... ce que mort s’ensuive. »
(Micberth, préface rédigée en 1983 pour Petite Somme contre les gentils. Allocutions télévisées 1976-1982)