« Philippe Tesson n'avait pas d'oeillères... » Journaliste, patron de presse, passionné de théâtre, éditeur, chroniqueur radio et télévision, etc., il vient de disparaître à l'âge de 94 ans. La presse est unanime pour rendre hommage à ce « bretteur né » qui eut « la liberté pour moteur ». En avril 1974, il fonde « Le Quotidien de Paris », un journal qu'il veut polémique et ouvert à toutes les opinions et tendances politiques. C'est ainsi qu'il ouvre ses colonnes à Micberth, en novembre 1975, pour une tribune libre intitulée « Vers une nouvelle droite ». Il sera le premier à donner en toute liberté la parole au fondateur du mouvement politique créé deux ans plus tôt. Micberth y expliquera avec vigueur sa conception de la droite et parlera du fameux « droit à la différence » qui sera quelques années plus tard attribué à François Mittterrand. Le sujet de la « nouvelle droite » sera repris quatre ans plus tard dans le journal « Le Monde » par Thierry Pfister qui en fera son été 1979. RIP Philippe Tesson et merci pour sa vision de la presse dont il fit un combat.
Vers une nouvelle droite
« Depuis la Libération, les « droites » de notre pays sodomisent les mouches. Cela tient au malaise évident qu'éprouve depuis trente ans l'opinion publique devant les idées et les hommes qui ont flirté avec l'occupant nazi.
« Pour éviter d'utiliser à tort et à travers le mot droite, il faut distinguer de son contenu parlementaire l'acception idéologique pluraliste.
« Dès septembre 1789, Mirabeau parle justement de « géographie » de l'Assemblée. Car pour faciliter le décompte des voix, on sépare la Constituante en deux groupes : droit de veto absolu pour le roi, à droite du président ; régime constitutionnel à gauche. Depuis, les stratégies politiques et la perversion du sens des mots ont considérablement modifié l'idée première. D'où la confusion qui, dans l'esprit des Français, s'est peu à peu établie.
« La gauche parlementaire a péremptoirement relégué la droite idéologique (non représentée au Palais Bourbon) au zoo des animaux tristes ou au grenier des bizarreries. Opération habile qui a eu pour effet de jeter le discrédit sur tous les groupes politiques, des radicaux traditionnels aux démocrates sociaux. Ainsi, un nouvel équilibre parlementaire a été recomposé pour la bonne image de marque de l'union de la gauche.
« Parler de droite en 1975, c'est entendre abusivement centre conservateur défendant les intérêts d'une caste de possédants, le capitalisme privé, l'injustice pour l'ordre moral, le nationalisme, les institutions conservatrices, etc.
« Et pourtant, il existe dans ce pays une droite idéologique qui n'a pas attendu Karl Marx pour condamner l'exploitation de l'homme par le bourgeois, pour adopter une attitude non conformiste que pourrait souvent lui envier l'ultra-gauchisme.
« Est vraiment de droite à notre époque celui qui refuse le sens de l'Histoire, qui n'admet pas la démocratie indirecte, la république bâtie sur les cadavres de centaines de milliers de Français ; qui nie en bloc les lois républicaines, la Constitution, les institutions bricolées par les petits-enfants de Robespierre et rejette en fait le dieu-peuple.
« Ses professions de foi balaient d'un coup tous les tenants des ordres nouveaux, les nationaux socialistes, les fascistes de guinguette, tous ces jocrisses bigarrés et inconsistants, récupérés à la première occasion par le monde de l'argent. Chacun sait que l'ordre ne sert qu'à pérenniser les fortunes, et par là même les injustices.
« Est vraiment de droite celui qui place l'homme dans son unicité originale, même s'il doit pour ce faire refuser le groupe. Celui, enfin, qui admet le droit à la différence.
« Nous voilà loin des images d'Épinal brossées à grandes giclures de balai hygiénique par la gauche marxiste qui, elle, annihile l'homme au profit d'un État souverain. Historiquement, l'homme de droite est réfractaire à tous les pouvoirs. Il consent à l'obéissance légitime, il se révolte ou il meurt.
« En 1975, seule la destruction des institutions lui importe. Ni Dieu, ni maître, ni Marx pourrait être sa devise. Il est pacifiste et révolutionnaire (révolution des consciences).
« Il fait confiance à l'individu et met tout en oeuvre pour l'exploitation de ses virtualités. Il sait surtout, par l'intelligence et l'Histoire, que le bonheur est pragmatique, et ne veut pas laisser échapper le paradis qui lui est offert pour le temps de sa vie. »
(M.-G. Micberth. Directeur politique de la Nouvelle Droite française, in « Le Quotidien de Paris » n° 488, vendredi 7 novembre 1975)