En avril 1992, Micberth écrit dans sa préface à « Petite Somme contre les gentils » (troisième édition) : « Mitterrand finit son règne dans les odeurs louches de poupinette chargée de bran, Le Pen contre son gré monopolise l’actualité de chaque jour, la justice est devenue folle et se fait injurier dans les colonnes d’une presse qui ne se lit plus beaucoup ou alors, de temps à autre, comme catalogue publicitaire. » Vingt ans plus tard, l’histoire repasse les plats.

2013 sera l’année de la censure : Léon Bloy (voir notre billet du 3 décembre, « Le pèlerin de l’absolu »), Edouard Drumont, Paul-Eric Blanrue (livre interdit). 2014 s’ouvre sur l’interdiction d’un spectacle au motif que les propos d’un humoriste « pourraient » porter atteinte à la dignité humaine, la liberté d’expression ayant des « limites nécessaires dans une société démocratique » (sic le vice-président du Conseil d’Etat).

Sommes-nous en route vers l’obscurantisme ?

« J’ai été trahi cent fois, insulté dans presque tous les journaux de l’hexagone, déformé, volé, plagié. On m’a jeté en prison, traîné devant les tribunaux, on a attenté à ma vie, à ma liberté de vivre, de dire et d’agir », écrit Micberth qui eut à comparaître devant ses juges... à Tours, dès février 1969, suite à la dénonciation de Jean Meunier, directeur de « La Nouvelle République » et ancien ministre. Son collaborateur, Alain Camille (futur A.D.G., auteur de la Série noire) résume la situation : « De quoi est accusé Micberth ? 1.- D’avoir laissé passer des dessins d’inspiration libidineuse et de facture pornographique. 2.- D’avoir chahuté Anne Frank, symbole de la pureté angélique, victime de la barbarie. 3.- D’avoir écrit toutes sortes d’abominations dont le détail m’échappe. (Il m’en revient une : « Le colonel se dépantalonnait ». Révolution 70 n° 4) »

Précisons que l’objet du délit n° 2 cité par A.D.G. était un photomontage où la jeune fille demandait qu’on lui envoie des caramels (mous) si possible et des illustrés... Rien ne pouvant justifier la réaction suscitée ni les conséquences pour Micberth et ses collaborateurs, qui furent littéralement chassés de la cité tourangelle par le maire, Jean Royer (Décidément !)


Dessin Bernos-Freulon, Actual-Hebdo 1973


Alors, Micberth était-il antisémite, comme on a parfois tenté de le faire accroire ? Certainement pas ! « Ma compagne la plus ancienne est juive marocaine par sa mère. Son fils, que j’ai élevé et qui est aujourd’hui mon fils, est donc juif », écrit-il en février 1990. Il évoquera ses craintes à plusieurs reprises, sur « Mégalo », notamment, en février 1990 : «  Je vieillis et, malgré le temps qui passe, je vois et entends toujours les mêmes couenneries, je constate avec lassitude que le plus sinistre conformisme reste encore d’avant-garde et que les antiennes rechantées sont toujours celles qui gonflent les baudriers et sont entonnées par les mêmes imbéciles.

« J’ai dit, il y a quelques années, à 20 h 30, sur la première chaîne allemande, que je n’avais rien à cirer des indices multiplicateurs diffusés par la propagande juive. Je suis l’enfant du génocide vendéen et la comptabilité des martyrs me répugne ; elle nous éloigne toujours du sujet.

« Ce qui est intolérable, ce n’est jamais le nombre dont on n’a rien à foutre, mais le meurtre du premier juif ; à celui-là va toute ma commisération. La discussion sur le nombre ou les moyens d’extermination atténue la faute : c’est-à-dire l’aberration intellectuelle de supprimer la différence.

« En 1939, le monde entier était antisémite ; même les intellectuels français, spécialement odieux entre les deux guerres et tous n’avaient pas l’extraordinaire talent de Louis-Ferdinand Céline, ni son « courage » de plume.

« J’ai tourné, en 1981, une vidéo contre le professeur Faurisson. On y voyait, à Buchenwald, un juif « shakespearien », à côté d’un crâne authentiquement celui d’un chouan), qui, au fond d’un cul-de-basse-fosse, persiflait le révisionniste. Je regrette d’avoir mis en scène cette séquence. Je n’avais pas lu Faurisson, je hurlais avec les loups.

« J’étais un con.

« Depuis, j’ai lu les révisionnistes. Attentivement. Ils sont troublants. Pourquoi ? Parce que froids et méthodiques, sans passion, avec les seuls documents et les recoupements des témoignages, ils présentent une autre histoire qui ne rend pas du tout l’hitlérisme sympathique mais logique, donc mille fois plus répugnant que les contes à dormir debout des exterminationnistes fabulateurs. »

Nous sommes le 9 février 1990, sur « Mégalo ». Une semaine plus tard, Micberth précise : « Je ne sais pas ce qu’est un juif. Pour moi, il y a les Israéliens, qui ont retrouvé la Palestine, la terre de Chanaan. Ce sont les Hébreux dont certains pratiquent le judaïsme. Il y a ceux qui pensent que la diaspora est une mission divine et ceux-là, dans tous les coins du monde, cornaqués par leur chef spirituel, le rabbin, sont des juifs pratiquants.

« Mais les autres ? Peuvent-ils, issus de la plus imposante religion monothéiste, sans Dieu, se considérer comme des Juifs à part entière, membres de la communauté et de la civilisation juive ? J’en doute et surtout quand ils habitent (circoncises) Toronto, Aix-en-Othe ou kanazawa et ressemblent à Michel Debré, John Wayne ou Thapavumamoto... »


Micberth en 2011 (Photo V. Micberth)

En ce début d’année 2014, il semblerait que « Mein Kampf » se taille un franc succès en e-book. A qui la faute ? Micberth dénonçait le danger dans « La Lettre », il y a pratiquement trente années. « Hitler n’a jamais été plus dangereux qu’aujourd’hui. Sous la plume des apprentis sorciers qui le couvrent d’immondices, il apparaît aux jeunes générations comme une sorte d’ange satanique blasphémé par les penseurs épais du conformisme débilitant. Pour un peu, il deviendrait le symbole d’un romantisme intemporel. L’homme ayant esthétisé sa cruauté glacée : le courage absolu d’une solitude désespérée qui se domine, domine les autres et les extermine. Bref, la création par la destruction sublimée. »

Cela signifie-t-il pour autant que « l’hydre pouacreuse du fascisme et du nazisme » va montrer à nouveau l’un de ses vilains nez ?

« L’histoire le hurle : c’est toujours le juifaillon qui engendre le nazillon. A force de crier au loup ! dans le bocage sécurisant de nos démocraties popotes, un jour, le loup sortira vraiment de sa tanière. Les idéologues hébreux qui se prennent volontiers pour Cassandre, à force de prophéties noires et mortifères, excitent et exacerbent les bas instincts de la lie en mal d’exactions et réveillent la fureur sauvage des bénêts qui n’attendent que cette occasion pour s’attifer de chemises brunes et imposer à coups de gueule et de poings leur terreur de brutes aveugles et cruelles. » (« La Lettre », avril 1985)


Sources : « La Lettre » (Recueil des textes parus d’octobre 1984 à avril 1985), « Petite Somme contre les gentils » (Allocutions télévisées 1976-1982), « Micberth et les gros niqueurs » (Billets télématiques publiés entre novembre 1989 et mai 1990).