L’arme nucléaire reste un grand sujet de réflexion et suscite la polémique. Daech serait même en train d’y penser... Bref, un sujet d’actualité sur lequel Micberth s’est étendu en 1973 dans un article paru le 11 août. Un pamphlet rédigé dans le plus pur « style mèque », qu’il affectionnait alors. 

« L’été mon grand, ça me fait marcher à reculons. Réac, je suis devenu ou je n’ai jamais cessé d’être. On ne se change pas. Tu me reproches souvent de laisser de côté des sujets importants, le racisme, l’avortement, l’exploitation de l’homme par l’homme, la bombe, etc. et de batifoler avec des sujets de second ordre. Je vais te faire hurler, m’en fous, j’ai la bite rude.

« Aujourd’hui, je te cause de la bombette de Mururoa. Je te cause parce que vous me tapez sur les nerfs, vous autres, avec vos vapeurs de gonzesse en retour de couches. Vous gueulez comme des ânes et ne voyez pas plus loin que le bout de votre pif.

« On est bien d’accord, la bombette, c’est de la merde ; les essais polluent, mouais et la dissuasion reste à prouver, remouais.

« Pourtant en regardant de plus près, on cerne mieux le machin.

« Tiens, suppose que tu cohabites avec deux types et que les décisions vous les preniez à trois, je parle de ta survie, de celle de ta femme et de tes gosses ; tu me suis ? Suppose encore que les deux mecs possèdent un flingue, chacun le sien, bourré jusqu’à la gueule de munitions. Que se passe-t-il ? Ben, si tu veux discuter, trois solutions. Un, tu te procures un flingue ; deux, tu passes dans l’un ou l’autre camp en implorant aide et protection. Trois, tu cherches un moyen proche du flingue pour les décourager de t’imposer leurs idées par la force. Suppose toujours que tu réfutes la deuxième solution et que tu ne puisses accéder à la première. Dilemme. Tu cherches dans ta tête, puis tu trouves le poignard, tu t’entraînes comme un grand et tu deviens le roi du couteau. Bon. Te voilà respecté. Bien sûr, les deux pommes se foutront de ta gueule mais de loin et ils hésiteront à te brandir sous le nez leur pétard. Tu pourras parler et faire reconnaître tes droits. La bombe atomique, c’est du pareil au même. Tu dis que la nôtre est un pétard mouillé et qu’elle n’impressionne personne ? Que t’es con quand même... Renseigne-toi et dis-moi franchement quel zozo risquerait de se le recevoir notre pétard mouillé. J’en connais pas. Nous serions peut-être à tout jamais détruits mais le gus d’en face il aurait de sales blessures. Et les gus d’en face n’aiment pas vivre défigurés.

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M.-G. Micberth en 1971

 « La guerre est une vacherie hideuse, tout le monde se congratule sur ce lieu commun, mais il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises guerres. Celui qui décide d’employer ce procédé abject a tous les droits, tous.

« Hitler, lui au moins, a eu le courage et la lucidité dans l’abjection, d’aller jusqu’au bout de ses idées. C’est son seul mérite. Il a foutu en l’air cette notion désuète de la bonne guéguerre : messieurs les Anglais, tirez les premiers. Je méprise les militaires mais plus encore ceux qui moralisent les affrontements en disant avec des bouches en cul de poule, dans les salons parisiens : On ne torture pas nous, on ne tue que contraints, on n’utilise pas les défoliants nous, on respecte les conventions internationales, etc. Ceux-là perpétuent les massacres en idéalisant le crime mesuré.

« Si j’avais été militaire, j’aurais banni toute pitié, je serais devenu essentiellement cruel, rationnellement sauvage. Allons, merde, pas d’hypocrisie. Il suffit de se souvenir de la dernière et de se rappeler les « bons pères de famille » qui n’hésitèrent pas à massacrer les gosses par dizaines. Que celui qui n’a jamais péché dans sa tête, ne serait-ce qu’une seule fois, me tire un coup de revolver dans la tempe.

« C’est vrai, j’en ai plus que marre de vos sornettes, de votre façon d’accommoder l’histoire et la vie. Depuis Jules Ferry, tout le monde s’octroie l’art de donner son avis. Pitoyables branleurs. On refait le monde, à coups de plume acérée, sans jamais se mouiller vraiment. On cause, on cause.

« Alors, comme ça, Asudam, t’es pour la prolifération des armes nucléaires, ben mon salaud ! Tu vois bien que tu n’as rien compris et que je perds mon temps à essayer de te rendre moins con. Je suis contre les guerres, contre la violence puante, ouais, mais je suis pas trop naïf quand même. Pas d’accord pour faire confiance à mon voisin ; je connais trop l’âme humaine et en attendant des jours meilleurs je préfère être pourvu. Chacun pose son flingue et discute mais à la condition que chacun possède un flingue. (...)

« Si la liberté des Français était étouffée par les armes, c’est avec des armes que j’essaierais de libérer mon pays. A l’école, on a négligé de te parler de la chouannerie, seule guerre populaire, si on excepte la Commune. Eh bien, la guerre de Vendée a connu le sacrifice de 600 000 paysans français qui refusèrent la conscription (le service militaire obligatoire, si tu préfères, invention de la glorieuse et méprisable révolution française). Bien sûr, on te rabâche dans les oreilles que les chouans étaient bondieuseries et compagnie, monarchistes au délire. Comment vas-tu m’expliquer alors une révolte qui dura de 1790 à 1832 et qui ne figure dans nos livres d’histoire que comme une péripétie insignifiante. Broutilles des nostalgiques. Parce que aujourd’hui, il ne faut plus nous raconter des salades. Tout mec un peut instruit sait que 1789, c’était le règne d’une bourgeoisie envieuse et d’une poignée de paumés et de pochardes. Le peuple, le vrai, connaissait ses libertés et il a défendu jusqu’à en crever son Dieu et son roi. Depuis, on prend sottement des raccourcis, on mélange monarchie et fascisme. Et allez donc ! Elle est chouette, deux siècles plus tard la République. Si t’en es fier, ben mon pauvre vieux !

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« (...) Cela dit, j’en reviens à la guerre et plus précisément aux guerres atomiques. Franchement je n’y crois pas. Excepté la décision d’un délirant ou le partage systématique du globe en deux forces antagonistes. Voilà pourquoi et au nom de la paix, j’approuve la politique des pays qui s’arment atomiquement. C’est tristement merdique mais inévitable. Jusqu’au jour où tous les peuples s’embrasseront sur la bouche. Alors là, d’accord. On foutra aux chiottes les armes meurtrières, mais t’y crois toi à ce jour ?

« N’importe quel con peut se retrouver à la tête d’un pays. Plus un type est sournois et plus le peuple l’acclame. Le désarroi actuel nous fait vivre sur une véritable poudrière. Tu as envie toi gros cul d’exister sur un territoire sacrifié, dans un pays sans bite, à la merci du moindre belliqueux ? Moi pas. Si le monde était séparé en deux, les pays antagonistes ne s’embarrasseraient pas de scrupules, tu peux en être sûr. Leurs petites cochonneries, ils les feraient chez le voisin incapable de se défendre. Merde, toute l’histoire le prouve. Les bombes atomiques pèteraient au-dessus de nos hures. Si les Américains avaient possédé la bombe H en 40, la guerre se serait vite terminée dans les embrassades et même Hitler n’aurait pas risqué à cette époque la destruction de son peuple. C’est peut-être odieux à dire mais la bombe d’Hiroshima a sauvé des centaines de milliers d’hommes. Alors tes jugements à l’emporte-pièce tu peux te les coller au cul.

« Il faut te faire une raison, nous vivons entourés de 97% d’irrécupérables. Si toi et moi possédions la bombe, il est bien certain qu’on l’aurait déjà foutue aux ordures. Mais toi et moi, on est pas le monde. Simplement de pauvres bougres, éternellement condamnés à subir les dictatures de droite, de gauche, les mélasseries du centre, les fougues des hypers, les lâchetés des hypos, toute cette crasse qui nous soulève le coeur, toute cette bêtise oppressante qui nous ruine l’espoir.

« Mais je t’en supplie, mon grand, arrête de monter sur tes grands chevaux et regarde mieux l’espèce, regarde-la mieux bouger. Tu sauras faire avec le moins mauvais. Ne lance pas tes rêves en avant comme on lance ses dernières forces dans la bataille, alors qu’on sait qu’on va succomber et que la camarde est là avec sa sale gueule de « jamais plus ».

« Quand ton voisin te frappe sur la joue gauche avec une bombe atomique, tends la joue droite. C’est bien joli, bien mignon, mais la chienne ne donne plus l’occase de tendre quoi que ce soit. Ne crache plus sur ton ridicule poignard, il protège ta vie et la vie des tiens. La pollution, me diras-tu ? Mouais, je sais. Mais momentanément je préfère renifler de la radioactivité plutôt que de voir mes gosses complètement cramés. Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir, comme dit l’autre. Et j’ai tellement de joie à penser que nos générations seront moins connes que celles qui nous ont précédés. »

 (Micberth-Asudam. Extrait de l’article « The bombette party », in Actual-Hebdo n° 31, samedi 11 août 1973)