Une « grande dame » vient de disparaître. D’aucuns l’encensent et veulent l’envoyer au Panthéon, d’autres la vouent aux gémonies et alourdissent sa conscience de nombreuses morts. L’Histoire tranchera. « Depuis 40 ans, sur des centaines de ministres, pas un seul n’a osé exprimer son opposition à la loi Veil qui, en cela, s’avère une victoire de son auteur éponyme. Il reste, qu’on le veuille ou non, qu’« un pays qui tue ses enfants tue son âme », comme disait le Pr Lejeune », lit-on sous la plume de Jean-Marie Le Méné, magistrat opposé à l’avortement. Faut-il aller jusqu’à cette conclusion ?

En 1973, Micberth écrivait un article sur le sujet, à contre-courant du consensus de l’époque. Il peut choquer aujourd’hui encore, dans notre siècle en marche vers l’obscurantisme. Il reste pourtant d’actualité. Intitulé « L’avortement » dans l’article d’origine, il a été rebaptisé « Les aiguilles à tricuter » pour une publication ultime. En voici un extrait :

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« Alors là, je ne me le pardonnerai jamais. Ça non ! Figurez-vous, braves pommes, que je ne vous ai point z’encore entretenus de l’avortement libre.

« Freud, mon bon, à moi ! La censure de l’éducation, couic, a châtré ma brave pulsion bien sympa, bien saine et a refoulé la gaillarde dans le tréfonds de mon inconscient personnel, le  ça pour les initiés. [...]

« Et qu’est-ce que ça te fait une pulsion refoulée dans ton ça ? Ben, un gros complexe velu, une sale bête répugnante qui lâche son pet mou tout au long de ton Surmoi et qui explose sur les rivages de ton conscient avec un joli nom de derrière les glossaires : le complexe.

« CQFD. Je ne t’ai pas encore parlé de l’avortement libre, mon grand, parce que tout connement je fais des complexes. 

« Ou plutôt, mes petites idées là-dessus vont à contre-courant de l’histoire de l’évolution des moeurs, et je me trouve pour une fois du côté des vieux cons. Pas exclusivement mais…

« Je n’aime pas la femme dite moderne, elle me fait chier et s’idéalise dans des combats vains et dérisoires. L’égalité est une connerie propre à démoraliser le pauvre monde. Rien n’est égal. L’égalité implique une notion de compétition du style : « Attends vouère que je te rattrape ». Beurk, que c’est laid d’envier le sort de son prochain. Un couple hétérosexuel se compose d’un homme et d’une femme ; pas de deux bonshommes ou de deux bonnes femmes. La différence, voilà le mot, je le lâche ; être différent.

« Les vraies femmes ont toujours été libres. Il n’y a que les coincées de la vulve pour brandir le poing contre le symbole phallique ; les vraies de vrai aiment le mâle avec tout ce que cela implique de brutalité, d’égoïsme, de truculence et de tendresse. [...]

« Le plaisir, dans la vie, passe par la contrainte et l’effort. Si tu veux te chauffer, il faut ramasser les branches mortes et te les coltiner jusqu’à ta cheminée. La société du moindre effort veut que nous possédions tout sans lever le petit doigt. Pour ce faire, on saccage la nature, pollue les rivières, etc. On appauvrit notre corps et notre volonté.

« Chier, pour beaucoup, est un acte d’hygiène méprisable. On inventera des pilules qui transformeront les excréments en pistache ou tout autre chose selon les goûts et on se sucera le troufignon pour se sustenter. Eh bien, je regrette et voilez-vous la face, les délicats, un cul n’a de l’esprit que parce qu’il sent la merde. La merde, c’est aussi la vie, le déchet des aliments brûlés, le dynamisme. Vive la merde !

« Biologiquement, tuer un foetus ou un embryon, c’est tuer un être humain en gestation. Pas de différence à faire entre une matronne qui enfile l’aiguille à tricoter dans l’utérus d’une bonne femme et un militaire qui tire à bout portant dans le crâne d’un prisonnier. Dans les deux cas, il y a intention de supprimer sciemment la vie. L’intérêt supérieur de la patrie ou l’intérêt supérieur de la mère, c’est du kif-kif. Le même égoïsme puant. La même volonté de vivre à tout prix. [...]

« L’avortement est une décision qui doit être prise par les intéressés eux-mêmes et en particulier par la femme. L’État n’a pas à y foutre son gros nez rouge. Vous voyez la nuance. On peut être, comme mézigue, contre l’avortement mais pour la liberté des femmes fécondées à jouer de l’aiguille. Liberté de tuer si bon leur semble. M’en fous.

« Mais je ne veux plus les entendre divaguer sur les bienfaits de l’avortement libre, je ne veux plus vouère les banderoles sanguinolentes, je ne veux plus les regarder à la télé se vanter de leurs forfaits.

« Ce qui me fait le plus mal au bide, c’est que toutes ces connes sont pacifistes, hurlent contre les génocides, les injustices. Nous vivons, mon grand, dans un monde complètement bouffon avec un gouvernement qui lâche par petits bouts ce que le bon sens, merde oui, le bon sens, aurait dû lui faire lâcher d’un seul coup et depuis belle lurette.

« Chaque femme a donc le droit librement de se faire avorter mais qu’elle ferme sa gueule et qu’elle n’oublie jamais qu’elle tue un être humain en ce faisant. Que ce meurtre lui est dicté par sa faiblesse de conne ou son égoïsme de salope.

« Renfermons-nous dans notre dignité, mon grand, et laissons pourrir au fil de l’histoire la beauté vitale des hommes.

« Les petits gauchos de mon trou du cul vont encore hurler, en disant qu’Asudam est un sale fasciste et tout. Je vous emmerde les petits gauchos et du haut de ma tour d’ivouère, je vous pisse au nez.

« Les autres, tous les autres, je les embrasse bien fort. »

(Micberth-Asudam, extrait de l’article paru le 28 juillet 1973 in Actual-Hebdo n° 30)